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Répertoire
Philippe Henne
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Vingtième dimanche ordinaire

« Je suis venu apporter le feu sur la terre »

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Crédit photo : Lawrence Lew op

L’Évangile d’aujourd’hui est encore une fois une énigme.

Comment le Christ le Fils de Dieu, venu réconcilier les hommes avec son Père, peut-il être source de haine et de division ? Comment pouvons-nous prier et adorer un dieu de guerre et de conflits ? C’est bien plutôt le contraire que nous recherchons : un dieu de paix et de réconciliation. Comment le Christ, lui qui était venu guérir les malades, appeler les pécheurs, comment peut-il dire maintenant : « Je suis venu apporter non pas la paix, mais la division » ?

Une des clés pour répondre à cette question se trouve peut-être dans la trahison de Judas. Ce n’est pas Jésus qui chasse Judas, c’est Judas qui quitte Jésus, qui le trahit, qui ira de lui-même à la mort. Jésus n’était pas là pour le condamner. Il lui avait simplement dit : « Va où tu veux aller. » C’est comme une mère qui voit son enfant se droguer. Elle a tout fait pour le retenir, mais il a continué sa descente aux enfers. Ce n’est pas elle qui l’a chassé. C’est lui qui a rompu toutes les amarres et a laissé le vaisseau de sa vie s’engager dans le naufrage de sa mort.

Oui, le Christ nous met toujours devant le choix de la vie ou de la mort.

C’est comme dans un couple, dans une famille. Il y a des gestes, des décisions qui conduisent à la rupture, comme il y a des attitudes qui peuvent conduire à la résurrection. C’est comme, dans la Bible, lorsque cette femme fut prise en flagrant délit d’adultère. Les pharisiens voulaient appliquer la loi : elle devait mourir par lapidation. Et Jésus n’avait rien dit : il avait laissé la porte ouverte à la vie, à une nouvelle vie.

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La baiser de Judas, Fitzwilliam Museum, Cambridge - crédit photo : Lawrence Lew op

Nous nous comportons souvent comme de petits coqs, toujours prêts à défendre notre territoire, nos droits et notre autorité. Et, pauvres gallinacés emplumés que nous sommes, nous ne faisons que blesser ceux qui vivent autour de nous, auprès de nous, avec nous.

Marie a laissé son fils prendre son envol.

Il est resté trois jours à Jérusalem sans rien lui dire. Et comment se justifie-t-il de cette absence angoissante ? En affirmant qu’il devait s’occuper des affaires de son Père. À noter qu’il n’a pas parlé de ses portes affaires, mais des affaires de son Père. Lui aussi était tout entier engagé vis-à-vis de quelqu’un d’autre. Pour lui s’est aussi posée la question : pour qui veux-je vivre ? Pour moi et mon salut ? Alors, il ne faut pas mourir sur la croix. Non, Jésus a voulu vivre pour son Père et mourir la mission qu’il lui avait confiée ?

Marie, elle aussi, a connu cette période d’abandon.

Elle était devenue la mère d’un condamné à mort. Le Christ, son fils, a été pour elle une source de mépris et d’isolement. Mais elle a trouvé au Cénacle, au milieu des apôtres de son fils, le soutien d’une communauté en prières. Et c’est ce que nous retrouvons tous les dimanches, si nous le voulons : la fraternité du Crucifié. Ce n’est pas lui qui nous chasse.

C’est lui qui nous rend accessible à une autre vie.

Ne soyons pas de ceux qui condamnent et lapident les pécheurs et les pécheresses. Soyons bien plutôt de ceux qui sont toujours prêts à accueillir pour recommencer autrement, peut-être mieux, une nouvelle vie. Soyons de la fraternité du Ressuscité.

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Crédit photo : Lawrence Lew op