Exode revisité (Sagesse de Salomon 18,6-9)
La nuit de la délivrance pascale avait été connue d’avance par nos Pères ; assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils étaient dans la joie. Et ton peuple accueillit à la fois le salut des justes et la ruine de leurs ennemis. En même temps que tu frappais nos adversaires, tu nous revêtis de gloire en nous appelant à toi. En secret, les saints descendants d’(hommes) bons offraient un sacrifice, et ils acceptèrent d’un commun accord cette loi divine : que les saints partageraient les bonnes choses aussi bien que les dangers, et déjà ils entonnaient les chants de louange des Pères.
J’avoue ne pas comprendre (encore une fois !) pourquoi un tel texte a été choisi, pour quelle raison il a été tiré de son contexte, et pourquoi il a été découpé ainsi…
La finale du livre de la Sagesse est une sorte de commentaire narratif (en termes techniques, un midrash de type haggadah) du début du livre de l’Exode. Ce commentaire cherche à montrer comment la Sagesse de Dieu est à l’œuvre dans l’histoire de l’Israël biblique, travaillant à faire mourir tout ce qui porte la mort pour laisser place à la vie. Le paragraphe d’où ce texte est tiré commence au verset 5 (mais comme il est un peu violent, il a été censuré…). Voici le texte, ainsi qu’une traduction plus précise du verset 6 inclus (et malencontreusement modifié) dans la version liturgique.
(5) Lorsque (les Égyptiens) avaient décidé de tuer les nouveau-nés des saints [= le peuple de Dieu], et qu’un seul enfant exposé avait été sauvé [= Moïse], pour les reprendre, tu as éliminé la foule de leurs enfants en les faisant mourir tous ensemble dans les eaux puissantes. (6) Cette nuit-là avait été annoncée d’avance à nos pères afin que, assurés des promesses auxquelles ils avaient cru, ils soient dans la joie…
L’auteur (qui parle fictivement à Dieu, de qui il loue la Sagesse) fait ici allusion à la sortie d’Égypte. Il voit dans la mort de l’armée de Pharaon au cœur des eaux de la mer des Joncs (voir Exode 14) une « réponse » de Dieu visant à corriger l’erreur commise par les Égyptiens. Cette erreur est d’avoir accepté l’ordre inique de leur roi et d’avoir fait périr tous les garçons des Hébreux dès la naissance, comme on peut le déduire du ch. 1 du livre de l’Exode. Pour l’auteur de la Sagesse, il s’agissait moins de punir les Égyptiens par la mort de ces hommes que de leur montrer combien ils ont eu tort de sombrer dans le mal consistant à semer la mort. En revanche, le peuple de Dieu qui a cru aux promesses divines de libération était dans la joie d’être enfin libéré de l’oppression, de l’esclavage et de la mort. Tandis que les fauteurs de mort périssaient, le peuple libéré était revêtu de gloire par son Dieu qui l’appelait vers lui en vue de sceller avec lui une alliance pour la vie.
Mais juste avant de quitter l’Égypte, les fidèles d’Israël, « saints descendants » de ces hommes bons que furent les patriarches (les Pères), ont pris un engagement solennel. En sacrifiant l’agneau pascal, ils ont par avance accepté l’aventure de l’exode avec ses avantages mais aussi avec ses dangers. Cette expérience, ils l’ont faite dès leur sortie du pays, quand ils ont vu la protection que le Seigneur leur accordait, mais aussi quand ils ont paniqué en voyant l’armée ennemie s’approcher d’eux, menaçante. Annonciatrice de ce qu’allait être la suite de leur chemin à travers le désert, la difficile expérience de la libération les a amenés à entonner des hymnes à la louange de Dieu, semblables à ceux que leurs Pères dans la foi avaient chantés.