Après la sécularisation de l’Europe est venu le temps de sa déchristianisation. Phénomène massif et, semble-t-il, inexorable qui conduit à une indifférence grandissante des gens. Celle-ci se traduit par une chute considérable de la « pratique » ainsi qu’à un analphabétisme religieux généralisé. Au plan des mentalités, l’équivalence des valeurs prônée au nom de l’individualisme conduit à vider de son sens toute valeur ainsi qu’à réduire toute communication à une simplification et à une banalisation extrême.

Dans ce contexte, que représente encore la vocation d’un Ordre de Prêcheurs ? Nous le savons, notre mission consiste à prêcher l’Évangile. Mais comment l’annoncer dans un monde qui ne cherche plus à se comprendre à sa lumière et ne s’y alimente plus pour nourrir son espérance ? Lucidement, il faut reconnaître que ce défi dépasse nos forces ; mais nous laisse-t-il pour autant impuissants ? Notre conviction demeure : l’Évangile reste une bonne nouvelle communiquant la joie d’exister. Pour discerner ce que l’Évangile réclame de nous, il faut commencer par entendre l’inouï —le « non entendu »—, afin de pouvoir dire dans le langage de tout le monde ce que tout le monde ne dit pas.

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Une telle écoute reçoit dans notre tradition dominicaine le nom d’étude. Deux tâches sont ainsi requises : d’une part, il nous faut délaisser un langage qui ne parle plus pour apprendre à parler autrement ; d’autre part, il nous faut explorer et exploiter ensemble les ressources qu’offre l’inouï de l’Évangile afin de promouvoir une pensée agissante qui ne serait pas la traduction du message de l’Évangile en termes séculiers (humanisme, discours des valeurs) mais la promotion de la nouveauté et de la bonté du message évangélique. Notre vocation à communiquer l’Évangile comme Évangile nous rappelle la forme de vie qu’elle appelle. Nous sommes voués au monde et tel est le sens de notre vie en commun : nous partageons les ressources qui nous viennent de l’Évangile pour mieux nous tourner vers une manière différente d’être au monde.

En se démarquant de l’option conservatrice (communauté séparée du monde) et de l’option revivaliste (communauté charismatique), nous essayons, comme frères prêcheurs, de vivre selon un style d’accueil du tout-venant. Ce modus vivendi cherche, d’une part, à mieux entendre les questions que nos contemporains se posent et, d’autre part, à voir entre nous et avec eux comment les ressources évangéliques permettent de les éclairer autrement. Ce mode de vie évangélique implique que nous partagions avec les gens un espace commun, qu’il soit territorial (une église conventuelle ou un bar...) ou déterritorialisé, comme sur le « continent numérique », mais aussi les milieux intellectuels, artistiques, les personnes paupérisées et marginalisées, etc.

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“Seule la joie prêche et fait rayonner l'Évangile !”