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Répertoire

Les morts entendront la voix du Fils de Dieu

Jean 5, 17-30

Myriam Tonus

Plus encore que les trois autres, l’évangile de Jean est un témoignage de foi, une relecture théologique de la vie de Jésus. On ne s’étonnera donc pas qu’après la guérison miraculeuse d’un aveugle, l’évangéliste offre une méditation qui peut paraître nous éloigner de ce miracle. Car les miracles, dans le nouveau testament, invitent à aller au-delà du merveilleux ; ils sont des signes, c'est-à-dire qu’ils renvoient à une réalité bien plus grande que la réalité terrestre. Ils sont racontés pour dire quelque chose de Jésus… et aussi de Dieu.

Les ennemis de Jésus, eux, s’en tiennent à la matérialité des faits : quel est cet homme qui s’est permis de violer le shabbat et qui – blasphème suprême dans le Judaïsme – ose entrer dans une relation d’égal à égal avec Dieu ? Serait-il habité par l’esprit du mal ? La réponse de Jésus est claire : « Mon Père est à l’œuvre et moi aussi je suis à l’œuvre ». Que le Dieu créateur soit sans cesse à l’œuvre, c’est bien ce qu’affirme la religion Juive au temps de Jésus. Dieu ne cesse de mener les humains sur un chemin de vie… et de les ramener lorsqu’ils s’égarent, tentés par les puissances du mal. Mais voici que Jésus affirme cette chose étonnante : lui qui est humain, a pour mission de faire ce que fait celui qu’il appelle son Père, dont la vie l’habite tout entier. Comme le Père veut la liberté et la vie des humains, lui aussi, inlassablement, guérit, libère, redresse, interpelle les humains qu’il rencontre, afin qu’ils se laissent habiter à leur tourde cette vie en plénitude que donne le Père.


On pourrait dire que cette péricope donne à entendre ce que, plus tard, un dogme proclamera vérité de foi : Jésus est à la fois vrai humain et vrai Dieu. En tant qu’humain, il n’a pas de puissance particulière : « il fait seulement ce qu’il voit faire par le Père ; ce que fait celui-ci, le Fils le fait pareillement. ». Et que fait le Père ? « Il relève les morts et les fait vivre ». Ici encore, il nous faut aller au-delà des images qui nous viennent spontanément à l’esprit : la mort physique, la résurrection, le jugement… Dans la Bible et particulièrement chez Jean, la mort, c’est d’abord être séparé de Dieu, c’est ignorer la vie qu’il propose, c’est refuser, consciemment ou non, cette vie en plénitude qu’il offre dès maintenant à celles et ceux qui la reçoivent. Tel est le « jugement » – entendons ce mot dans le sens biblique, c'est-à-dire le clivage, la séparation qui s’opère sans que Dieu doive même le dire. Jésus, vrai humain et en même temps entièrement habité de la vie divine, met au jour ce clivage, cette séparation. Et ce sont les êtres humains eux-mêmes qui en sont les acteurs.

En effet, si nous agissons comme Jésus, en devenant comme lui enfants du Père, si nous entendons sa voix, alors nous sortons de nos tombeaux, nous entrons dans une vie nouvelle. Le Christ ne se met jamais au centre, toujours se tourne vers le Père ; sans cesse, il nous invite à en faire autant et à devenir, grâce à lui, enfants de Dieu. Et comme le Christ, ancrés en Dieu, nous voici appelés à être donneuses et donneurs de vie pour nos frères et sœurs humains.