Baptême de Jésus (Luc 3,15-16.21-22)
Or le peuple [venu auprès de Jean le Baptiste] était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ. Jean répondit alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, le plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera avec le souffle saint et le feu. […] » […]
Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »
Le petit collage auquel le censeur s’est prêté entre deux brefs morceaux du récit de Luc concernant le Baptiste est tout à fait artificiel. Inutile d’épiloguer : je me permets de renvoyer au commentaire que j’ai fait du premier extrait, lu le 3e dimanche de l’Avent C (Luc 3,10-18). Ce collage maladroit a malgré tout un avantage : il rapproche deux textes qui situent Jésus par rapport à ses prédécesseurs et par rapport à ses contemporains.
Dans le premier extrait, le Baptiste se situe par rapport à celui qui doit venir, cet homme à propos duquel tous se demandent s’il n’est pas le messie. Dans la mesure où Jean représente en quelque sorte tous les prophètes de l’Ancien Testament, c’est la question du rapport entre la première alliance et Jésus qui est en cause. Le baptême d’eau est dans la ligne des prophètes qui appellent à la conversion, cet effort toujours à reprendre pour se rapprocher de Dieu et chercher à être fidèle à sa loi. Annoncé par le prophète Ézéchiel (36,26-28), le baptême dans l’Esprit – celui que Jésus amène – rend possible une nouvelle alliance, car il ne s’agit plus d’efforts à produire par les humains, mais d’une transformation du cœur par Dieu lui-même : « C’est mon Esprit que je mettrai en vous. Ainsi, je vous ferai suivre mes prescriptions, garder et respecter mes règles » (v. 27). Ainsi, « celui qui baptise dans l’Esprit saint » permet une véritable renaissance qui accorde l’être à Dieu. Il est en cela infiniment « plus fort » que tous les prophètes qui l’ont précédé et n’ont pu qu’annoncer que Dieu le susciterait un jour.
Pour situer Jésus par rapport à ses contemporains, Luc raconte comment il est baptisé comme tout le peuple. Lui qui est « le plus fort » ne se présente pas comme supérieur. Il entre dans l’humble démarche de conversion proposée par Jean, une démarche qui – selon l’enseignement de ce dernier (cf. Luc 3,10-14) – signifie le désir d’entrer dans le partage, la droiture, le refus de la violence, et la sobriété. Ainsi solidaire du peuple, Jésus se tourne aussi vers Dieu dans la prière, et celui-ci se manifeste (le ciel s’ouvre) : il envoie son Souffle saint sur celui qui en baptisera le peuple, un Souffle qui, comme la colombe sur les eaux du déluge, est signe de paix, de réconciliation et d’alliance. Puis il lui dit qu’il est son fils bien-aimé : il le donne ainsi au peuple au milieu duquel il se tient, en en faisant le roi, le messie sauveur.