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Répertoire
André Wénin
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4ème Dimanche de Pâques

« Oui, le Seigneur est bon, éternel est son amour,
sa fidélité demeure d’âge en âge !
»
(Psaume 100,5)

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Crédit photo : Lawrence Lew op - Saint Paul et Saint Barnabé - Great St Mary's church, Cambridge

Paul à Antioche (Actes 13, 14.43-52)

Paul et Barnabé poursuivirent leur voyage au-delà de Pergé et arrivèrent à Antioche de Pisidie. Le jour du sabbat, ils entrèrent à la synagogue et prirent place.
[…]
Une fois l’assemblée dispersée, beaucoup de judéens et de convertis qui adorent le Dieu unique les accompagnèrent. Paul et Barnabé, parlant avec eux, les encourageaient à rester attachés à la grâce de Dieu. Le sabbat suivant, presque toute la ville se rassembla pour entendre la parole du Seigneur. Quand les judéens virent les foules, ils s’enflammèrent de jalousie ; ils contredisaient les paroles de Paul et l’injuriaient. Paul et Barnabé leur déclarèrent avec assurance : « C’est à vous d’abord qu’il était nécessaire d’adresser la parole de Dieu. Puisque vous la rejetez et que vous-mêmes ne vous jugez pas dignes de la vie éternelle, eh bien ! nous nous tournons vers les nations païennes. C’est le commandement que le Seigneur nous a donné : “J’ai fait de toi la lumière des nations pour que, grâce à toi, le salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre”. » En entendant cela, les païens étaient dans la joie et rendaient gloire à la parole du Seigneur ; tous ceux qui étaient destinés à la vie éternelle devinrent croyants. Ainsi la parole du Seigneur se répandait dans toute la région. Mais les judéens provoquèrent de l’agitation parmi les femmes de qualité adorant Dieu, et parmi les notables de la cité ; ils se mirent à poursuivre Paul et Barnabé, et les expulsèrent de leur territoire. Ceux-ci secouèrent contre eux la poussière de leurs pieds et se rendirent à Iconium, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint.

Encore une fois ! Qu’est-ce qui se cache sous les […] que le censeur n’a pas indiqués ? Pourquoi les judéens (ici, les fidèles de la religion juive) sont-ils jaloux de voir les foules affluer à la synagogue ? Pourquoi en veulent-ils à Paul et à son compagnon de voyage Barnabé ? Quelle parole de Dieu ceux-ci leur ont-ils adressée ? Pourquoi expulser ces deux apôtres de la ville ? Bref, la clé pour comprendre toutes ces choses et d’autres encore échappe à celui qui est privé des versets 15 à 42, mais c’est « évidemment » trop long. Et après tout, un résumé de l’histoire du salut culminant dans la résurrection de Jésus, source du pardon de Dieu, présente un intérêt tout relatif pour des croyants qui connaissent cela par cœur.

Je résume… (mais il serait utile d’aller lire !).

Dans la synagogue d’Antioche, après la lecture des textes tirés de la Loi et des Prophètes, les chefs de ce lieu de culte invitent Paul et Barnabé, qui arrivent de l’étranger, à prendre la parole. Paul se lance donc dans une homélie à sa façon. Il reparcourt l’histoire du peuple d’Israël : les patriarches, l’esclavage en Égypte, l’exode, le désert, le don du pays, les Juges, Samuel et les premiers rois, dont David, l’homme selon le cœur de Dieu, qui a accompli les volontés de ce dernier. C’est dans la descendance de ce roi que Dieu a envoyé le sauveur qu’il avait promis : Jésus, celui que le baptiste a annoncé, et qui a concrétisé cette parole de salut. Mais les gens de Jérusalem et leurs chefs ont condamné Jésus, sans savoir qu’ils accomplissaient ainsi les paroles des prophètes qui avaient annoncé le rejet et la mort du messie. Mais Dieu a ressuscité son fils, conformément aux Écritures : ceux à qui il est apparu ensuite sont ses témoins. C’est en cette qualité que, dans la synagogue d’Antioche, Paul annonce la bonne nouvelle qui accomplit ce que les Écritures disaient de David. Il conclut alors en redisant l’essentiel de la bonne nouvelle et en ajoutant une mise en garde, tirée du prophète Habaquq (1,5), à l’adresse de ceux qui resteraient sceptiques (v. 38-41) :

Sachez-le donc, mes frères : c’est par lui (Jésus) que le pardon des péchés vous est annoncé et c'est par lui que toute personne qui croit est libérée de toutes les fautes dont vous ne pouviez pas être libérés par la loi de Moïse. Ainsi, faites attention qu’il ne vous arrive ce qui est dit dans les prophètes : « Regardez, vous qui êtes pleins de mépris, soyez étonnés et disparaissez, car je vais faire à votre époque une œuvre que vous ne croiriez pas si on vous la racontait ».

Au sortir de la synagogue, des assistants demandent à Paul et Barnabé de venir le sabbat suivant leur parler à nouveau de ces choses. D’autres les accompagnent, touchés par la grâce de Dieu (cf. dé-but du 2e § de la lecture). Cela dit, l’intervention de Paul a fait grosse impression, et la quasi-totalité de la ville arrive à la synagogue une semaine plus tard pour entendre « la parole du Seigneur » de la bouche de l’apôtre. Ce succès avive la jalousie des judéens qui restent fidèles au seul Moïse (et tombent sous la menace du prophète Habaquq) : ils contre-attaquent, coupent la parole, injurient. Ambiance ! Calmement, les deux apôtres finissent par tirer la conclusion qui s’impose : la bonne nouvelle était d’abord pour les Israélites, mais ils la rejettent. Donc, les messagers du Christ Jésus se tourneront vers les autres, les « païens », à qui la lumière du salut est aussi destinée, comme Dieu l’a annoncé par Isaïe à propos de son Serviteur (Isaïe 49,6).

Cette finale du récit (qui fait l’objet de la lecture) est, pour l’auteur du livre des Actes, une façon d’expliquer aux communautés chrétiennes issues du monde païen pourquoi un certain nombre de croyants d’Israël n’ont pas rejoint leurs rangs (une explication très probablement caricaturale d’un point de vue historique). Cela éclaire aussi pourquoi l’histoire du salut initiée avec les patriarches se prolonge, non avec tout le peuple qui descend d’eux, mais avec celles et ceux qui croient en Jésus. On perçoit ici la volonté apologétique de l’auteur des Actes. Du reste, celui-ci insiste sur l’odieuse hostilité des croyants judéens à l’égard des apôtres qu’il présente sous un jour très positif. C’est là un procédé destiné à détourner définitivement son lecteur de cette bande d’agités de mauvaise foi. Mais avec du recul, ne peut-on se demander si la mauvaise foi n’est pas aussi un peu de son côté ?

Cela dit, si l’on regarde les choses de façon plus neutre, ce texte illustre la résistance à la nouveauté, quand celle-ci oblige quelqu’un à bouger, à se remettre en question, à renoncer à des certitudes et au confort qu’elles offrent. Il illustre la difficulté à accepter la différence, surtout quand il s’agit de ce à quoi on tient le plus, parce que, quand elle est prise au sérieux, la différence oblige à voir les choses avec un autre œil, et donc à relativiser sa propre position (ce dont l’auteur des Actes est apparemment incapable, d’ailleurs). Ce texte illustre encore les ravages que peuvent causer les certitudes religieuses qui, au lieu de libérer la personne, ne la « sauvent » que de son angoisse devant l’altérité et la nouveauté, en renforçant sa carapace protectrice. De telles certitudes font-elles autre chose que mettre Dieu au service de la mort ?

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Crédit photo : Lawrence Lew op

Le Ressuscité, les Onze et Thomas (Jean 10,27-30)

Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes un. ».

Le 4e dimanche de Pâques est traditionnellement consacré à Jésus « bon pasteur ». Sauf que ce thème n’est traité qu’au chapitre 10 du 4e évangile. Alors on a saucissonné dans ce chapitres les passages portant sur ce thème pour les répartir entre les trois années liturgiques… L’année C est le parent pauvre avec seulement 4 versets, extraits de la discussion que Jésus a avec les judéens énervés par son discours. Ces quelques phrases sont claires et, sans leur contexte, elles n’appellent pas de commentaire. (Pour l’image biblique du berger, voir le commentaire du 4e dimanche de Pâques B.)

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Crédit photo : Lawrence Lew op - vitrail de l'église d'Ely

Laver sa robe dans le sang (Révélation 7, 9.14b-17)

Moi, Jean, j’ai vu : et voici une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer, une foule de toutes nations, tribus, peuples et langues. Ils se tenaient debout devant le Trône et devant l’Agneau, vêtus de robes blanches, avec des palmes à la main. […]

L’un des Anciens prit alors la parole et me dit : « Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils et d’où viennent-ils ? » Je lui répondis : « Mon Seigneur, tu le sais ! » Il me dit : « Ils viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, les ont blanchies dans le sang de l’Agneau. C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu et le servent, jour et nuit, dans son sanctuaire. Celui qui siège sur le Trône établira sa demeure chez eux. Ils n’auront plus faim, ils n’auront plus soif ; ni le soleil ni la chaleur ne les accablera, puisque l’Agneau qui est au milieu du Trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux. »

Le livre de la Révélation (communément : Apocalypse) a pour ambition de dévoiler le sens de l’histoire à la lumière de la mort et de la résurrection de Jésus. De cette façon, il révèle aussi ce qui, dans les crises inévitables de l’histoire – celle du monde ou celle des personnes –, est déterminant pour s’en sortir par le haut (le « salut »). Le récit évoque un vaste affrontement entre les puissances du mal et de la mort, d’une part, et Dieu et ses alliés, d’autre part. La victoire définitive sera remportée par Dieu puisqu’il a déjà vaincu la mort et le mal en relevant Jésus d’entre les morts.

Le passage ci-dessus évoque les sauvés : leur foule immense venue de tous les horizons participe à une liturgie céleste (cachée dans les […]). La description initiale évoque leur état de sauvés, de vivants soustraits aux souffrances qu’ils ont traversées. Mais d’où viennent-ils et comment sont-ils arrivés là ? Ils viennent « de la grande épreuve », celle d’Adam et Ève au jardin, celles d’Israël au désert et dans les méandres de son histoire, celle de Jésus confronté au Tentateur : c’est l’épreuve de la fidélité à Dieu et à sa parole de vie. Elle résulte de la confrontation à la séduction du mal et du mensonge (car le mal ex-celle à se faire voir comme un bien) et aux souffrances variées auxquelles quiconque résiste se trouve souvent confronté.

À l’époque de l’écriture du livre de la Révélation, cette résistance se soldait pour certains par le martyre, d’où les vêtements « blanchis dans le sang de l’Agneau », celui que Jésus a versé lors de sa passion et qui purifie ceux et celles qui sont allés jusqu’au bout dans leur fidélité à lui. Ceux-là ont Dieu pour roi, ils sont heureux d’être enfin totalement à son service loin des vicissitudes de l’histoire et des souffrances inévitables imposées à ceux qui font le choix d’aller à contre-courant.

Petite curiosité : dans ce texte, Jésus est évoqué par l’image de l’Agneau, dont il a été dit auparavant qu’il a été immolé, mais est debout (5,6). L’image est claire : il s’agit du Crucifié, l’agneau pascal immolé qui libère de la mort, comme en Exode 12. Il est debout, relevé par la résurrection et il est « au milieu du trône », c’est-à-dire là où Dieu siège dans sa royauté. Par la résurrection, Dieu a élevé Jésus à la dignité royale qui est la sienne. Aussi, l’Agneau sera « leur pasteur ». Un agneau pasteur ? Si c’est un agneau, c’est qu’il est un membre du troupeau, solidaire des autres, humain avec les humains. Mais il a été intronisé après s’être fait le serviteur de tous. De cette place, il devient pasteur, celui avec qui les « agneaux » peuvent marcher en sécurité, car il leur montre le chemin vers la vie, selon ce que chante le Psaume 23 : « Le Seigneur est mon berger… il me mène près des eaux calmes et me rend des forces ; il me conduit sur de bons chemins… Si je traverse une vallée d’ombre et de mort, je ne crains aucun mal, car tu es avec moi… »