Une fois de plus, la page de l’Ancien Testament a été lacérée (voir le chapitre 36 de Jérémie !) : d’un superbe récit, on n’a conservé que quelques versets, à peine de quoi montrer que David illustre le passage de l’évangile du jour. Devais-je me résoudre à une telle instrumentalisation de l’Écriture ? J’ai donc traduit tout le récit en mettant entre crochets ce qui n’a pas plu au censeur.
David épargne Saül (1 Samuel 26,2-25 – au lieu de « 26,2.7-9.12-13.22-23 »)
Un mot du contexte, d’abord. Depuis plusieurs chapitres, Saül, le roi déchu, pourchasse David. Il sait en effet que c’est à lui que Samuel a donné l’onction qui le fait roi à sa place. Aussi tente-t-il tout ce qu’il peut pour l’éliminer, parfois même avec l’appui de la population. Mais David lui a toujours échappé. Il a même épargné son royal adversaire : alors que Saül était à sa merci dans une grotte, les compagnons de David l’avaient poussé à en finir avec lui. Mais il s’était contenté de couper le pan du manteau du roi, avant de l’exhiber sous son nez pour lui montrer que la vengeance n’était pas son truc, laissant au Seigneur le soin d’arbitrer. Lors de cet incident, Saül a reconnu la noblesse de David qui lui a rendu bien pour mal (chapitre 24). Mais sa folie ne le lâche pas…
[Le roi] Saül se leva, il descendit vers le désert de Zif, et avec lui, 3000 hommes, l’élite d’Israël, pour chercher David dans le désert de Zif. [Saül établit son camp sur la colline de Hakila qui est en face de la steppe près de la route. David résidait dans le désert et il vit que Saül était arrivé à sa poursuite dans le désert. David envoya alors des éclaireurs et il sut avec certitude que Saül était arrivé. David se leva et il arriva à l’endroit où Saül avait établi son camp. Il repéra l’endroit où Saül se couchait, ainsi qu’Abner Ben-Ner, le chef de son armée : Saül couchait au centre et la troupe campait autour de lui. David s’adressa à Ahimélek le Hittite et à Abishaï Ben-Tserouya, le frère de Joab, en disant : « Qui veut descendre avec moi vers Saül dans le camp ? » Abishaï répondit : « Moi ! Je descendrai avec toi »].
David et Abishaï arrivèrent de nuit près de la troupe. Et voici que Saül était couché, endormi, au milieu, sa lance plantée en terre près de sa tête, tandis qu’Abner et la troupe étaient couchés autour de lui. Abishaï dit alors à David : « Aujourd’hui Dieu a livré ton ennemi en ta main. Et maintenant, laisse-moi le frapper avec une lance et (le clouer) à terre d’un seul coup, et je n’aurai pas à m’y reprendre à deux fois. » David dit alors à Abishaï : « Ne le supprime pas ! Qui pourrait porter la main sur celui qui a reçu l’onction du Seigneur (= messie) et rester impuni ? [Aussi vrai que le Seigneur est vivant, oui, c’est au Seigneur de le frapper, soit que son heure arrive et qu’il meure, soit qu’il descende au combat et y périsse. Mais loin de moi, par le Seigneur, de porter la main sur le messie du Seigneur. Et maintenant, prends la lance qui est près de sa tête et la gourde d’eau et allons-nous-en !] » Et David prit la lance et la gourde d’eau d’auprès de la tête de Saül, et ils s’en allèrent. Personne ne (les) vit, personne ne sut, personne ne s’éveilla : tous, ils étaient endormis, car une torpeur (venant) du Seigneur était tombée sur eux.
David passa sur l’autre versant et s’arrêta au sommet de la montagne, au loin, à bonne distance, et il cria [à la troupe et à Abner Ben-Ner en disant : « Vas-tu répondre, Abner ? » Et Abner répondit : « Qui es-tu, toi qui cries en direction du roi ? » Et David dit à Abner : « N’es-tu pas un homme ? Et qui est comme toi en Israël ? Pourquoi donc n’as-tu pas veillé sur ton seigneur le roi quand quelqu’un du peuple est venu pour supprimer le roi, ton seigneur ? Ce n’est pas bien ce que tu as fait là ! Aussi vrai que le Seigneur est vivant, vous méritez la mort, vous qui n’avez pas veillé sur votre seigneur, sur le messie du Seigneur. Et maintenant, vois : où est la lance du roi, et la gourde d’eau qui sont près de sa tête ? »]
[Saül reconnut alors la voix de David. Il dit : « Est-ce ta voix, David, mon fils ? » Et David dit : « Oui, mon seigneur, ô roi ! » Et il dit : « Pourquoi donc mon seigneur pourchasse-t-il son serviteur ? Oui ! Qu’ai-je fait ? Quel mal y a-t-il en ma main ? Et maintenant, que mon seigneur le roi veille bien écouter les paroles de son serviteur ; si c’est le Seigneur qui t’a excité contre moi, qu’il accepte la bonne odeur d’une offrande ; mais si ce sont des humains, ils sont maudits devant le Seigneur, car ils me chassent aujourd’hui pour m’empêcher de rester sur la terre reçue du Seigneur, en disant : “Va servir des dieux étrangers !” Que maintenant mon sang ne coule pas en terre loin du regard du Seigneur ! Car le roi d’Israël a organisé une expédition militaire pour chercher une puce, comme on poursuit une perdrix dans les montagnes ! » Saül dit alors : « J’ai fait erreur ! Reviens, David mon fils : je ne te ferai plus de mal, puisqu’en ce jour, ma vie a été précieuse à tes yeux. J’ai agi comme un fou, j’ai commis une très grosse erreur ! ». David répondit] et dit : « Voici la lance, ô roi. Qu’un des cadets traverse et vienne la prendre ! Le Seigneur rendra à chacun selon sa justice et sa loyauté. Car aujourd’hui, le Seigneur t’avait livré en mon pouvoir, mais je n’ai pas voulu porter la main sur le messie du Seigneur. [Or, de même qu’en ce jour, ta vie a été importante à mes yeux, ma vie sera importante aux yeux du Seigneur, et il me délivrera de toute détresse. » Alors Saül dit à David : « Béni es-tu, mon fils David : ce que tu voudras faire, vraiment tu le réussiras ! » Et David alla son chemin, tandis que Saül retournait chez lui.]
Dans sa folie, le roi n’a pas renoncé à éliminer David son concurrent. Apprenant par les gens de la ville de Zif qu’il se terre dans le désert non loin de chez eux, il déploie une véritable armée pour l’y traquer. On perçoit la démence du roi (il le reconnaîtra lui-même) : 3000 hommes d’élite pour chercher un fugitif, c’est organiser une expédition militaire pour écraser une puce, comme le dira David !