Le Seigneur dans son palais (Malachie 3,1-4)
[Ainsi parle le Seigneur Dieu :] Voici que je vais envoyer mon messager et il préparera un chemin devant moi ; et soudain entrera dans son palais, le Seigneur que vous cherchez. Le messager de l’alliance que vous désirez, voici, il entre – dit le Seigneur de l’univers. Qui pourra soutenir le jour de son entrée ? Quel est celui qui restera debout lorsqu’il paraîtra ? Car il est comme un feu de fondeur, comme une lessive de blanchisseurs. Il siégera en fondeur et en purificateur d’argent : il purifiera les fils de Lévi, il les affinera comme l’or et comme l’argent, et ils seront pour le Seigneur, ceux qui présentent une offrande en toute justice. Alors, sera agréable pour le Seigneur l’offrande de Juda et de Jérusalem, comme aux jours de jadis, comme les années d’autrefois.
Comme de coutume, mon meilleur ennemi a cru bon de ne pas tout garder de l’oracle prophétique choisi pour la fête de la Présentation au Temple. Distraction ? Censure volontaire ? Peu importe, il a omis le début, où le contexte de cette parole divine est campé et qui a donc toute son importance pour le sens. L’oracle relate une dispute entre le prophète et ses auditeurs à propos de la justice de Dieu. « Vous fatiguez le Seigneur par vos paroles, et vous dites “En quoi le fatiguons-nous ?” – En disant : “Quiconque fait le mal est bien aux yeux du Seigneur, en eux il prend plaisir”, ou bien “Où est le dieu du jugement ?” » (2,17). Le prophète dénonce ici ce qui déplaît à Dieu dans l’attitude de son peuple. Il y a, d’une part, ceux qui justifient les malfaisants et les encouragent, et d’autre part, ceux qui se plaignent que Dieu n’intervienne pas pour restaurer la justice. Dans ces deux types de locuteurs, on reconnaît sans peine d’un côté, les fauteurs de mal, et de l’autre, leurs victimes. Mais quoi qu’il en soit, cette façon de tirer Dieu à soi, que ce soit pour se justifier soi-même ou pour se plaindre de son éloignement, irrite profondément le Seigneur. Aussi va-t-il intervenir pour confondre les uns et les autres.
C’est la symbolique royale que le prophète Malachie convoque dans cet oracle. Le mot trop facilement traduit par « Temple » désigne avant tout un palais royal. Avant de s’y rendre, le roi divin se fait précéder par un messager. Pourtant, quand il y entre, c’est la surprise générale. Cette surprise révèle quelque chose des gens dont Malachie a relaté les paroles. Les premiers sont sûrs que rien ne peut leur arriver et les seconds font des reproches à Dieu sans croire vraiment qu’il peut intervenir. Ni les uns ni les autres ne s’attendent donc à ce que Dieu paraisse dans son palais. Ceux qui assurent que les fauteurs de mal sont du côté de Dieu disent le chercher ; ceux qui souffrent à cause d’eux disent désirer son intervention au titre de l’alliance et de la loi qui la régit. Mais quand il arrive pour de bon, ils ne peuvent soutenir son regard ni rester debout, comme le fait un juste faisant valoir son innocence devant le juge.
L’action de ce roi juge est double – mais simple pour le censeur ! Premier volet, le seul à intéresser notre ami : purifier le clergé de ses scories – c’est l’image du fondeur de métaux précieux –, le laver de ses taches – c’est l’image du blanchisseur. Cette purification est nécessaire pour que le culte soit agréable à Dieu. Second volet : « Je m’approcherai de vous pour le jugement et je me hâterai d’accuser les sorciers et les adultères, ceux qui font des faux serments, ceux qui oppriment salarié, veuve et orphelin, qui marginalisent l’étranger. Non : ils n’ont pas crainte de moi, dit le Seigneur de l’univers. » (3,5) Il s’agit ici de dénoncer le mal qui gangrène la société, ce mal qui, selon certains, serait bien aux yeux du Seigneur. Le prophète commence par pointer du doigt les idolâtres (visés par la double métaphore « sorciers et adultères »). En sacrifiant aux dieux du pouvoir, de la prospérité matérielle ou de la consommation, bref de la promotion de l’ego – dont le type est le dieu Baal –, ils pervertissent l’ensemble de l’existence humaine. Avec eux, impossible de se fier encore à ce qui est dit (faux serments), ce qui sape la confiance indispensable aux relations justes. Aucun respect non plus pour les personnes qu’ils considèrent socialement inférieures (salarié, veuve, orphelin, immigré), ce qui nourrit des relations inégalitaires et violentes. Et cela, à rebours du véritable désir du créateur de l’univers.
En intervenant en roi-juge, Dieu démentira les propos que l’on tient sur lui et qui l’irritent. Non : ceux qui font le mal ne sont pas ses amis. Oui : il est présent et les victimes des malfaisants peuvent avoir confiance en lui : il prendra bientôt leur cause en main.