L'amour se vit dans la fidélité et s'en nourrit, sans que ceux qui s'aiment le sachent toujours, car savoir n'est pas ici premier. Il y a un savoir propre à l'amour, qui sait ce qu'il en est de l'être fidèle de l'autre et de soi, savoir qui se dit autant par les gestes, les regards, que par les mots.

Aimer se conjugue avec être fidèle, sans pour autant que les formes de cette fidélité soient dessinées par avance. Nous recevons d'autrui nos manières d'être fidèles, parce que autrui est celui qui a éveillé en nous la capacité insaisissable d'aimer.

Nous touchons là à une dimension qui est propre et à l'amour et à la fidélité, qui est la gratuité. Etre fidèle, être amoureux, c'est un don qui nous est confié, qui est remis à la faiblesse de notre liberté, à la fragilité de ce rapport à l'autre dont nous ne sommes pas spectateurs, mais bien acteurs.

Cette surprenante et bouleversante gratuité nous révèle que nous sommes responsables de ce lien à l'autre, et qu'il n'est vivant que si nous cessons de l'entretenir, de le tisser jour après jour. Etre fidèle, c'est découvrir que notre liberté se fonde et se déploie dans cette relation si profonde, qui est tout autre chose que du moralisme. Paradoxe de cette fidélité : c'est chaque jour plus exigeant, et chaque jour nous rend plus libre. Cette tension féconde sera jusqu'à la fin.

La fidélité est donc créatrice et constructrice. Elle édifie et l'individu et la communauté, car elle n'est pas seulement une conduite individuelle. Elle crée des relations longues, qui peuvent se reprendre, se retisser, s'approfondir, en vertu de ce choix de départ.

L'existence humaine acquiert poids et consistance par la fidélité. Ce qui inquiète profondément sur la fidélité, c'est bien le définitif qu'elle fonde et au sujet duquel elle n'a aucune assurance. Car la fidélité se nourrit de l'espérance.