Les mères naissent en même temps que leurs enfants. Elles n'ont pas comme les pères, une avance sur l'enfant - l'avance d'une expérience, d'une comédie maintes fois jouée dans la société. Les mères grandissent dans la vie en même temps que leur enfant, et comme l'enfant est dès sa naissance l'égal de Dieu, les mères sont d'emblée au saint des saints, comblées de tout, ignorante de tout ce qui les comble.

Et si toute beauté pure procède de l'amour, d où vient l'amour, de quelle matière est sa matière, de quelle nature sa nature ? La beauté vient de l'amour. L'amour vient de l'attention. L'attention simple au simple, l'attention vive à toutes vies, et déjà à celle du petit chiot dans son berceau, incapable de se nourrir, incapable de tout sauf des larmes. Premier savoir du nouveau-né, unique possession du prince à son berceau : le don des plaintes, la réclamation vers l'amour éloigné, les hurlements à la vie trop lointaine

Et c'est la mère qui se lève et répond, et c'est Dieu qui éveille et arrive, à chaque fois répondant, à chaque fois attentif par delà sa fatigue. Fatigue des premiers jours du monde, fatigue des premières années d'enfance. De là vient tout. Hors de là, rien. Il n'y a pas de plus grande sainteté que celle des mères épuisées par les couches à laver, la bouillie à réchauffer, le bain à donner. Les hommes tiennent le monde. Les mères tiennent l'éternel qui tient le monde et les hommes.