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Répertoire

Didier Croonenberghs

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Décision et lettre
Départ de Paul


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Photo: Pixabay

Actes des Apôtres 15, 22-41

Décision et lettre | Départ de Paul

22 Alors les Apôtres et les Anciens décidèrent avec toute l’Église de choisir parmi eux des hommes qu’ils enverraient à Antioche avec Paul et Barnabé. C’étaient des hommes qui avaient de l’autorité parmi les frères : Jude, appelé aussi Barsabbas, et Silas. 23 Voici ce qu’ils écrivirent de leur main : « Les Apôtres et les Anciens, vos frères, aux frères issus des nations, qui résident à Antioche, en Syrie et en Cilicie, salut ! 24 Attendu que certains des nôtres, comme nous l’avons appris, sont allés, sans aucun mandat de notre part, tenir des propos qui ont jeté chez vous le trouble et le désarroi, 25 nous avons pris la décision, à l’unanimité, de choisir des hommes que nous envoyons chez vous, avec nos frères bien-aimés Barnabé et Paul, 26 eux qui ont fait don de leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ. 27 Nous vous envoyons donc Jude et Silas, qui vous confirmeront de vive voix ce qui suit : 28 L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé de ne pas faire peser sur vous d’autres obligations que celles-ci, qui s’imposent : 29 vous abstenir des viandes offertes en sacrifice aux idoles, du sang, des viandes non saignées et des unions illégitimes. Vous agirez bien, si vous vous gardez de tout cela. Bon courage ! » 30 On laissa donc partir les délégués, et ceux-ci descendirent alors à Antioche. Ayant réuni la multitude des disciples, ils remirent la lettre. 31 À sa lecture, tous se réjouirent du réconfort qu’elle apportait. 32 Jude et Silas, qui étaient aussi prophètes, parlèrent longuement aux frères pour les réconforter et les affermir. 33 Après quelque temps, les frères les laissèrent repartir en paix vers ceux qui les avaient envoyés. 35 Quant à Paul et Barnabé, ils séjournaient à Antioche, où ils enseignaient et, avec beaucoup d’autres, annonçaient la Bonne Nouvelle de la parole du Seigneur. 36 Quelque temps après, Paul dit à Barnabé : « Retournons donc visiter les frères en chacune des villes où nous avons annoncé la parole du Seigneur, pour voir où ils en sont. » 37 Barnabé voulait emmener aussi Jean appelé Marc. 38 Mais Paul n’était pas d’avis d’emmener cet homme, qui les avait quittés à partir de la Pamphylie et ne les avait plus accompagnés dans leur tâche. 39 L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Barnabé emmena Marc et s’embarqua pour Chypre. 40 Paul, lui, choisit pour compagnon Silas et s’en alla, remis par les frères à la grâce du Seigneur. 41 Il traversait la Syrie et la Cilicie, en affermissant les Églises.

Une décision et une lettre commune

« L’exaspération devint telle qu’ils se séparèrent l’un de l’autre. Barnabé emmena Marc et s’embarqua pour Chypre. Paul, lui, choisit pour compagnon Silas et s’en alla, remis par les frères à la grâce du Seigneur. »

Au terme de cette séquence narrative, le ton change après la décision de ce qu’on appelle parfois « le concile apostolique de Jérusalem ». Celui-ci marque la transition dans le récit entre la période des apôtres et l’évangélisation des nations. Oui, le ton change. Nous sommes bien loin de la représentation plutôt irénique du début des Actes des Apôtres. Alors que dans les premières lignes du récit des Actes, Luc nous dépeint les apôtres unanimes, mettant tout en commun ; la suite du récit semble correspondre davantage à notre réalité. Elle nous présente des conflits et des tensions. Et aujourd’hui, les routes se séparent. Paul s’en va avec Silas. Quant à Barnabé, il emmène Marc. Avouons que ce conflit et le désaccord entre Barnabé et Paul a de quoi nous faire réfléchir. Le texte nous parle d’exaspération. Le terme grec est paroxysmos, paroxysme. On imagine aisément la tension entre les protagonistes qui arrive à son paroxysme. Elle enfle au point que Paul se sépare de celui qui fut son collaborateur. Est-ce un échec ? Peut-être…

Mais regardons plutôt l’Esprit à l’œuvre… N'y a-t-il pas pour nous-mêmes des séparations nécessaires ? N’y a-t-il pas des séparations fécondes qui nous permettent de relever de nouveaux défis ? La séparation de Paul, Silas, Barnabé et Marc les amènent finalement à se centrer sur l’essentiel ! Comme le fait remarquer Daniel Marguerat à propos de ce texte, Barnabé retourne avec Jean dans son lieu d’origine, c’est-à-dire Chypre. Paul se dirige lui aussi vers sa région d’origine, c’est-à-dire Tarse. Et c’est peut-être là la pointe du texte : un retour à notre propre source. Lorsque nous traversons des conflits et vivons de profonds désaccords, lorsque la bienveillance semble déserter notre vie, lorsque la parole ne circule plus, que la confiance est absente, que la tendresse déserte notre couple, ne nous entêtons pas à vouloir tout réconcilier. Mais revenons à ce qui est peut-être notre source. Revenons à l’essentiel. Mais ne le faisons pas seul, jamais seul. C’est deux par deux que les Actes se poursuivent. N’est-ce pas l’intuition géniale de Saint Dominique dans les premiers temps de l’Ordre : celle d’avoir séparé ses frères, pour les envoyer deux par deux ? Marchons alors à côté de ceux qui nous comprennent : proche, collègue, ami. Car porter une parole qui relève et offrir des gestes qui prennent soin est parfois plus important que d’essayer de résoudre d’insolubles conflits. Il est des jours où les tensions que nous traversons nous poussent à nous rapprocher de ceux et celles avec qui nous sommes en « concordance de phase »