Je t'aimais. Je t'aime. Je t'aimerai. Il ne suffit pas d'une chair pour naître. Il y faut aussi cette parole. Elle vient de loin.

Elle vient du bleu lointain des cieux, elle s'enfonce dans le vivant, elle ruisselle sous les chairs du vivant comme une eau souterraine d'amour pur. Ce n'est pas nécessaire de connaître la Bible pour l'entendre. Ce n'est pas nécessaire de croire en Dieu pour être vivifié par son souffle. Cette parole imprègne chaque page de la Bible, mais elle imprègne aussi bien les feuilles des arbres, les poils de animaux et chaque grain de poussière volant dans l'air. Le fin fond de la matière, son dernier noyau, sa pointe ultime, ce n'est pas la matière mais cette parole.

Je t'aime. Je t'aime d'un amour éternel, éternellement tourné vers toi - poussière, bête, homme. Avant de planer sur les berceaux, avant de danser aux lèvres des mères, cette parole se fraie un chemin au travers des voix qui font une époque, qui en donnent le ton et la couleur. Paroles de guerre et de commerce. Paroles de gloire et de désastre. Paroles de sourds. Et par le travers, et par en dessous, et par en dessus, l'esprit du vent, la folle rumeur, le bourdonnement dans le sang rouge : je t'aime.

Bien avant que tu sois né. Bien avant la fin des temps. Je t'aime dans toutes éternités.