L’Évangile d’aujourd’hui représente un véritable défi pour nous. Jésus n’est plus à Nazareth, il est en route comme Prédicateur itinérant. Sa réputation est parvenue à Nazareth et à Jérusalem et on dit qu’il guérit les malades et expulse les démons. Il entre dans la maison de la belle-mère de Pierre à Capharnaüm (Mc 1, 29).

Mais les familiers de Jésus, ayant appris cela, quittent Nazareth et se rendent à Capharnaüm où Jésus a guéri la belle-mère de Pierre de sa fièvre (Mc 1, 29-31). Ils affirment qu’« il a perdu la tête ». Ils voudraient, en fait, que Jésus se comporte comme un descendant royal, c’est-à-dire qu’il ait la dignité d’un Fils de David.

Les Chefs religieux de Jérusalem se mettent aussi en route pour la Galilée. En qualité de Gardiens de la religion, ils avaient une fonction de contrôle. On comprend alors pourquoi la famille de Jésus dit qu’« il a perdu la tête » (Mc 3, 21). Cela permet aux membres de sa famille de s’en sortir et de ne pas avoir d’ennuis avec les Scribes.

Et comme si cela ne suffisait pas, les Scribes prétendent que Jésus est possédé par Béelzéboul, chef des démons et que c’est avec son aide qu’il accomplit des miracles en expulsant les mauvais esprits. Remarquons que selon le livre de l’Exode, de tels miracles peuvent être considérés comme de la magie, ce qui est passible de la peine de mort ! (Cf. Ex 22, 17).

Jésus ironise sur l’accusation de ses adversaires : comment un possédé aurait-il libéré un autre possédé ? Une famille ou une communauté peuvent-elles subsister si elles sont divisées ? (Cf. Mc 3, 23-26).

Étant donné que les Scribes ne reconnaissent pas l’œuvre de Dieu en Jésus, celui-ci leur dit qu’il y a un péché qui est impardonnable : c’est le « blasphème contre l’Esprit Saint ». Refuser de reconnaître le bien que Jésus accomplit, c’est nier que l’Esprit de Dieu agit en Jésus. Un tel aveuglement volontaire ne se pardonne pas. Le rejet de la Vérité conduit à la mort éternelle.

Alors que Jésus interpellait les Scribes sur le péché contre l’Esprit Saint, sa mère et ses frères arrivent de Nazareth. Ils restent dehors et le font appeler. Jésus répond : « Qui est ma mère ? qui sont mes frères ? […] Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère » (Mc 3, 33-35).

Bien que la réponse de Jésus soit surprenante, ce n’est pas un reproche. Jésus ne rejette pas sa famille biologique comme telle, mais il prend une distance radicale chaque fois qu’il y a collision avec « la volonté de Dieu ». Dans le cas présent, accomplir la volonté de Dieu consiste à suivre le projet de Dieu tel qu’il est désormais enseigné par Jésus. Ce n’est qu’à ce prix que nous mériterons d’être appelés frère, sœur, Mère de Jésus et d’appartenir à sa nouvelle famille. Autrement dit : Jésus n’oppose pas sa « famille biologique de Nazareth » à la « famille spirituelle selon les exigences du Royaume », laquelle lui permet de vivre sa vocation et d’accomplir la volonté de Dieu. Les deux dimensions familiale et spirituelle se recouvrent.

Et c’est justement sur la Croix que Jésus a concilié les deux dimensions, quand il s’est adressé à sa Mère et au disciple qu’il aimait : « Femme, voici ton fils », puis il dit au disciple : « Voici ta mère. » Et à partir de ce moment, le disciple la prit chez lui (cf. Jn 19, 26-27). Cette réconciliation entre les deux familles est aussi mentionnée dans les Actes des Apôtres : après la Résurrection de Jésus et son Ascension, les Apôtres retournent à Jérusalem. Ils habitent unis dans la « chambre haute » et « tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la mère de Jésus, et avec ses frères » (cf. Ac 1, 14).

Chacun, chacune de nous appartient à une famille ou à une communauté. Comment vivez-vous cette appartenance ? Comment gérez-vous une dispute familiale ? Comment vivez-vous les choses difficiles telles que les échanges tendus, les soucis de communication ?

Pour terminer, je voudrais seulement vous dire trois choses aujourd’hui qui sont très significatives et importantes pour moi :

Premièrement : Jésus a fait des choses merveilleuses à Capharnaüm et non à Nazareth. Les membres de sa famille voulaient le ramener de force dans son milieu. Mais Jésus ne cède pas aux pressions de sa famille et ne se laisse pas détourner de son chemin. Jésus obéit davantage à Dieu. Il montre ainsi à sa famille que Dieu a une autre logique. Et que sa vocation n’était pas d’être charpentier, mais d’annoncer le Royaume de Dieu, de prêcher et de guérir les malades.

Deuxièmement : L’Évangile nous invite à avoir un esprit de discernement qui est un don de l’Esprit Saint. Avons-nous l’habitude d’apprécier le bien que l’autre fait ? Ou bien sommes-nous esclaves de nos préjugés ? Puisque tout ce que l’autre fait sera toujours jugé négatif. Les Scribes sont tombés dans un tel piège ! Ils refusent de reconnaître le bien que Jésus accomplit. Un tel refus signifie nier que l’Esprit Saint agit en Jésus. C’est ce que Jésus qualifie de « blasphème contre l’Esprit Saint ». Dans ce cas, il n’y a plus de communion avec Dieu. La vie ne peut exister qu’en communion avec Dieu. Quiconque se range du côté du mal et le prend pour le bien est contre la vie.

Troisièmement : L’Évangile nous invite à devenir membres de la nouvelle famille des enfants de Dieu. Il s’agit d’une Famille de Dieu dans laquelle les membres sont ceux et celles qui sont à l’écoute de la Parole de Dieu et qui sont liés par la foi. Cela ne signifie pas que les liens biologiques ne comptent plus. Bien sûr, les liens familiaux peuvent être mis à l’épreuve, mais la famille ou la communauté reste souvent importante. Celui qui néglige ses enfants n’accomplit certainement pas la volonté de Dieu. Et prendre soin de ses parents âgés est explicitement mentionné dans la Bible comme un devoir (cf. Ex 20, 12). Mais pour nous, fidèles chrétiens, la relation personnelle avec le Christ reste le pilier essentiel de nos vies.

Personne d’autre que Marie, la Mère de Jésus, n’a écouté la Parole de Dieu et ne l’a acceptée avec autant de foi dans son cœur (cf. Lc 2, 51). Elle a ainsi accompli la volonté de Dieu de manière parfaite. Confions-nous à son intercession, afin que nous puissions reconnaître l’œuvre de Dieu dans chaque être humain et que nous puissions aussi appartenir à la vraie famille de Dieu, dans laquelle chaque visage est reconnu comme un frère et une sœur. Amen.