C’est d’autant plus étrange que cela va exactement à l’encontre de ce que Jésus nous enseigne aujourd’hui dans l’Évangile de Marc. De même que Jésus lui-même se rend d’habitude dans un endroit désert pour prier (Mc 1, 35), il invite de la même manière ses Apôtres, après leur première activité missionnaire en Galilée, sans doute épuisante et pleine de stress, à se retirer pour se reposer un peu : « Venez à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu » (Mc 6, 31).
L’Évangéliste Marc précise que les Apôtres n’avaient même pas le temps de manger (cf. Mc 6, 31). Nous découvrons par-là que les journées des Apôtres étaient tout entières consacrées au service des autres. C’est pourquoi, Jésus, connaissant la fatigue ou le stress que l’être humain peut ressentir, demande aux Apôtres de venir à lui, de se mettre à l’écart, loin de la foule.
C’était peine perdue ! Jésus et les Apôtres montent dans la barque pour aller à l’écart. Mais les gens n’ont pas quitté des yeux la barque qui s’éloignait. Ils ont compris en quel endroit Jésus et les Apôtres allaient accoster. Ils les précèdent et arrivent les premiers. Et quand Jésus et les Apôtres débarquent, une grande foule les attend. Jésus est saisi de compassion parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger et il se mit à les enseigner longuement (cf. Mc 6, 33-34). Il est dit plusieurs fois dans les Évangiles que Jésus est saisi de compassion quand il va vers les malades, les lépreux, les pécheurs et les publicains, les prostituées et tous ceux et celles qui sont comme des « brebis sans berger ».
Cette image des brebis perdues, abandonnées et désorientées sans berger, nous la trouvons dans la première lecture du livre du prophète Jérémie (Jer 23, 1-6). La bonne nouvelle est que Dieu lui-même veille, car, en définitive, c’est Dieu lui-même qui est le vrai berger de son peuple : « Mon berger, c’est le Seigneur : je ne manque de rien », chante le Psaume 22.
De nombreuses personnes se sentent aujourd’hui aussi abandonnées et désorientées. Elles ne savent pas où elles vont et elles ne savent pas non plus ce qu’elles font sur cette terre. Elles n’ont plus de repères. Dans nos sociétés dites modernes, dans nos familles, dans nos communautés religieuses ou dans nos lieux de travail, ils sont nombreux ceux et celles qui vivent dans le désespoir et, par conséquent, qui ont perdu le sens de la vie.
La bonne nouvelle est aussi que l’Évangile d’aujourd’hui nous apprend que Jésus fut saisi de compassion envers tous ceux et toutes celles qui ont perdu le sens de la vie. Le terme « Compassion » est très important dans la Bible. La compassion n’est pas simplement ici une émotion ou une sympathie pour la souffrance d’autrui. Pour le philosophe Emmanuel Levinas, la compassion est plutôt une réponse éthique à l’appel d’autrui. Autrement dit, la compassion est une responsabilité éthique qui me pousse à agir concrètement face à la souffrance de l’autre. La compassion, c’est se laisser toucher dans ses entrailles, prendre le temps d’écouter l’autre, de l’aider et de le réconforter.
Le terme « compassion » est aussi très important dans la vie de saint Dominique. Un jour, bouleversé par les souffrances de son prochain, saint Dominique décide de vendre ses précieux livres pour donner de l’argent aux pauvres, préférant ainsi aider ceux qui mouraient de faim plutôt que de continuer à travailler avec ses livres qu’il aimait tant.
Cher frère, chère sœur, as-tu déjà fait une telle expérience, celle de te sentir abandonné, incompris, sans orientation ? C’est douloureux et effrayant ! Même si nous sommes en période de vacances d’été, Jésus le bon berger est toujours là. Dieu ne prend pas de congé, Dieu ne va pas en vacances. Il est toujours là pour toi. Il veille et il prend soin des brebis faibles et malades. Il les conduit dans de bons pâturages.
Pour cela, l’Évangile d’aujourd’hui te propose les deux choses suivantes pour ta vie :
Premièrement : « Venir à Jésus ». Jésus veut que tu viennes à lui pour te reposer. Que cela ne soit pas seulement ton corps, mais que ton âme aussi puisse se reposer et trouver le repos. Tu peux penser à une autre Parole de Jésus dans l’Évangile de Matthieu : « Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos » (Mt 11, 28). C’est une expérience particulière de venir à Jésus, afin qu’il te remette en forme et te permette de te reposer. C’est important de venir à l’église et de laisser ton âme se reposer devant Dieu. Je veux donc dire que Dieu n’est jamais ennuyeux !
C’est dans la prière, dans l’Eucharistie que tu peux venir à Jésus. C’est là que tu vas te ressourcer, puiser une nouvelle force qui te permettra de tenir le coup face au stress quotidien. C’est dans la prière que tu peux vider ton cœur devant Jésus et tu constateras que cela fait tellement de bien.
Mon expérience personnelle avec Jésus me fait dire qu’avec lui, je n’ai pas besoin de demander de rendez-vous, car il est toujours prêt pour moi. C’est bien lui qui guérit mes blessures.
Deuxièmement : « Regarder les gens avec compassion ». Jésus te regarde toujours avec amour. Demande à Jésus de changer ton cœur et accepte de donner de ton temps parfois pour aider les autres. Ce que Jésus te demande, c’est que les malheurs des autres ne passent pas inaperçus à côté de toi. Jésus apporte aux désespérés, aux pauvres, aux malades, une parole d’amour et d’espoir, une parole qui touche leur cœur.
« Venez à l’écart et reposez-vous un peu » (Mc 6, 31). Cette invitation nous est adressée aujourd’hui. L’Évangile de Marc nous dit ceci : Lorsque Jésus traverse le lac de Galilée avec les Apôtres pour être seul, les gens l’ont remarqué. Et ils font alors le tour du lac en courant pour arriver sur l’autre rive avant le bateau. Je peux bien imaginer pourquoi ils ont couru : c’est pour rencontrer Jésus, pour venir à Jésus. Ils ont senti qu’avec lui, on peut se reposer. Pas seulement le corps, mais aussi l’âme. Et cela vaut aussi aujourd’hui. Je le souhaite pour chacune et chacun de nous. Amen.