En 1994, j'ai eu la chance de pouvoir passer quelques jours dans un camp de réfugiés de l'Onu au sud du Rwanda. Le camp Saga 1 comptait environs 500,000 réfugiés qui avaient fui les troubles de leur pays au Burundi. Durant ce séjour, sur invitation d'un frère de la Charité dé Gand, je me suis retrouvé à vivre cette vie avec celles et ceux qui avaient tout perdu si ce n'est leur dignité humaine. Je logeais avec eux sous une bâche et partageais leur vie pendant ces quelques moments qui resteront à jamais graver en moi. Un matin, j'ai dû me rendre de l'autre côté du camp avec un des jeunes avec qui je partageais la tente. Durant le parcours, celui-ci me prit la main et me voilà, marchant main dans la main avec un autre homme. Je suppose que vous pouvez imaginer mon malaise. Je n'avais jamais vécu une telle expérience. J'avais envie de retirer ma main de la sienne mais je me rendais compte qu'en agissant ainsi je risquais de le blesser profondément. Il n'aurait pas compris mon geste et l'aurait interprété sans doute comme étant un refus de ma part d'accepter son amitié. Il m'a fallu faire tout un chemin intérieur pour me dire que ce que je vivais là était normal dans sa culture alors que c'était tellement éloigné de la mienne, que je ne devais pas y voir de connotations négatives.