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Répertoire
Jean-Bertrand Madragule
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25ème dimanche (B)

Chers frères et sœurs,

Après 11 journées de compétition, les Jeux paralympiques 2024 de Paris se sont achevés il y a quelques jours. Il serait paradoxal qu’un athlète ne veuille pas en vaincre un autre pour décrocher une médaille d’or. Ou bien, si les athlètes s’offraient mutuellement la victoire, cela ne serait pas du sport. Le sport est beau quand quelqu’un gagne et quand quelqu’un perd. Toutefois nous ne devons pas considérer notre église, notre communauté ou la famille dans laquelle nous vivons comme un stade de compétition où la recherche de la grandeur, de la première place et des honneurs prédomine.

De telles compétitions ne conviendraient pas à Jésus et elles ne sont pas non plus conformes à son enseignement dans l’Évangile de Marc de ce dimanche. Pourquoi ?

Depuis dimanche dernier, une crise profonde se développe entre Jésus et ses disciples et entre les disciples eux-mêmes. Une crise qui risque de faire éclater le groupe des Douze. Alors que Jésus est en route vers Jérusalem et traverse la Galilée, il parle pour la deuxième fois à ses disciples de sa Passion, de sa Mort et de sa Résurrection ainsi que de l’avenir de ceux et celles qui le suivent. Il les instruit en disant : « Le Fils de l’Homme est livré aux mains des hommes » (Mc 9, 31). Il leur explique ce que signifie « livrer », c’est-à-dire que les hommes le tueront. L’Évangéliste Marc fait remarquer que les disciples ne comprennent toujours pas et craignent de poser des questions. Se taisent-ils par peur d’une réponse dérangeante ? Eux aussi sont préoccupés par l’avenir.

Arrivé à Capharnaüm, Jésus entre dans la maison de Pierre (cf. Mc 1, 29). Il ne lui a pas échappé que les disciples, qui se sont tus devant lui, ont cependant discuté en chemin. Jésus leur pose une question tout à fait anodine : « De quoi discutiez-vous en chemin ? » (Mc 9, 33). Les disciples n’ont pas le courage de répondre. Ils se taisent car ils avaient discuté entre eux pour savoir qui, parmi eux, « était le plus grand » (Mc 9, 34).

Si les disciples avaient envie de savoir qui était le plus grand, nous pouvons imaginer alors qu’entre eux il pouvait y avoir des jalousies ou des rivalités. Car ils avaient commencé à se comparer les uns les autres. La situation des disciples nous fait penser à la lettre de saint Jacques. Il écrit : « la jalousie et les rivalités mènent au désordre et à toutes sortes d’actions malfaisantes. […]. D’où viennent les guerres, d’où viennent les conflits entre vous ? » (Jc 3, 16 ; 4, 1).

C’est peut-être aussi la même situation dans nos familles ou dans nos communautés. Combien d’individus dans une famille ou dans une communauté ou encore au travail ou même entre amis ne peuvent plus s’entendre ? Combien de fois ne disons-nous pas de quelqu’un : « il est mort pour moi » ? Aujourd’hui, on n’assassine plus seulement avec des armes, mais avec des mots, avec un froid mépris pour l’autre. Combien de fois le travail dans un groupe est-il rendu difficile, voire impossible, car on sous-estime l’autre ? Combien de blessures sont ainsi infligées à l’autre et qui ne guérissent que difficilement ?

Et comment Jésus réagit-il face à une telle situation ? Les disciples s’attendent à ce que Jésus leur fasse des reproches. Mais Jésus ne le fait pas. Au contraire, il appelle les Douze. Il ne dit pas autre chose que ce qu’il leur a déjà dit, ce que lui-même a vécu et vit encore : « Si quelqu’un veut être le premier, qu’il soit le dernier de tous et le serviteur de tous » (Mc 9, 35). Rappelons que Jésus est en route vers Jérusalem avec les disciples. Et il est également dit dans l’Évangile de Marc qu’il y avait des femmes qui étaient venues avec Jésus de Galilée à Jérusalem et qu’elles le « servaient » (Mc 15, 41).

À l’exemple des femmes, dont on parle rarement, qui le servaient alors en route vers Jérusalem, Jésus invite les Douze à prendre le chemin du service, c’est-à-dire de l’amour du prochain.

Une mère de famille m’a dit un jour : « Père Jean-Bertrand, j’ai l’impression que personne au monde ne m’aime vraiment. Mon mari m’ignore, il n’y a plus de dialogue entre nous. Mes enfants ne me parlent presque plus. Je n’arrive plus à dormir la nuit. Je me demande encore et encore : qu’est-ce que j’ai fait de mal ? Comment pourrais-je regagner l’amour de mon mari et de mes enfants ? Est-ce que je ne suis pas digne d’être aimée ? »

« Ne suis-je pas digne d’être aimé(e) ? » Cette question revient souvent dans mes conversations avec les personnes qui traversent une phase très difficile de leur vie. Dans toutes les activités et les rencontres que nous faisons dans notre vie familiale, communautaire ou professionnelle, cette vérité est valable pour tous : Ce qui compte à la fin, c’est « l’amour du prochain ».

Jésus lui-même nous a donné l’exemple. Dans le calme du Cénacle, il a lavé les pieds des Apôtres (Jn 13, 2-5). C’est un geste d’humilité, de réconfort et d’hospitalité. Le geste du lavement des pieds est généralement réservé aux serviteurs (1 Sam 25, 40-41). Jésus est le Serviteur, par excellence ! Jésus veut réconforter le cœur des Apôtres avant d’aller plus loin dans le chemin de la Passion. Jésus illustre l’hospitalité par un geste d’accueil en plaçant un enfant au centre et en disant : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille […] et Celui qui m’a envoyé » (Mc 9, 37). L’accueil de l’enfant nous rappelle la fameuse parabole du Jugement Dernier dans l’Évangile de Matthieu : « Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait » (Mt 25, 45).

Pour ta méditation au cours de la semaine, l’Évangile d’aujourd’hui te propose trois chemins à suivre :

Premièrement : Jésus t’invite à ne pas avoir peur, mais à rester comme un enfant plein de confiance dans le Seigneur. Dans cette attitude de confiance, la Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, est un modèle pour toi (cf. Lc 1, 38). Mon expérience personnelle me fait dire qu’en implorant l’intercession de Marie, ta prière sera exaucée.

Deuxièmement : Jésus a résolument fait le choix de l’humilité pour servir. De riche qu’il était, il s’est fait pauvre pour toi et pour ton Salut (cf. 2 Cor 8, 9). Tu es invité à être fidèle à l’esprit de Jésus : esprit d’humble service, d’oubli de soi pour servir les autres.

Troisièmement : Jésus t’enseigne que la vraie grandeur ne réside pas dans la recherche de la première place et des honneurs, mais dans l’accueil et le service des plus petits, à l’instar des enfants. Autrement dit, c’est l’Amour du prochain (cf. Mc 12, 31) qui est la plus grande force qui puisse transformer notre vie et guérir nos blessures. Et c’est dans la prière et dans l’Eucharistie que Jésus nous donne la force d’aimer comme lui-même nous a aimés. Amen.