Le début de cet évangile sonne une entrée triomphale dans un palais impérial. Un crieur se tient à l’entrée de la grande salle de réception. Il hurle le nom des grands personnages qui entrent en scène : l’empereur, le gouverneur, les autorités civiles et religieuses. Et tout cela pour dire quoi ?
Qu’un homme est tout seul dans le désert et que cet homme se met à crier dans le vide. Quel est ce désert où cet homme solitaire se met à crier ? Ne serait-ce pas le désert de notre solitude, où nous nous sommes repliés pour soigner nos blessures ? Comme un animal malade, nous préférons parfois nous mettre à l’abri, sur le côté, loin des gens et de leurs paroles blessantes. Un mot, un regard suffirait à nous faire mal de nouveau.
Et voilà qu’un homme surgit et se met à crier. De quel droit ? De quelle autorité ? De celle de Dieu, car, oui, aussi étonnant que cela paraisse : la parole de Dieu fut adressée à cet homme qui vient nous déranger. Et que nous dit-il, cet énergumène sorti du désert ? Il nous dit de préparer les voies au Seigneur. Quelle ineptie ! Quelle idiotie ! Ce serait plutôt à l’entrée de la ville qu’il faudrait dresser une grande arche couverte de fleurs et de banderoles. C’est dans le coeur même de la ville qu’il faudrait décorer la rue principale et dresser un portique magnifique au milieu de la grand-place.
Et pourtant c’est dans le désert de notre solitude que nous devons préparer la réception du Seigneur. C’est vrai qu’il y a de la place, beaucoup de place dans notre coeur un peu vide et un peu triste.
Il y a là beaucoup plus de place quand dans l’agitation des grandes villes. C’est pour cela que, quand un chef d’Etat arrive dans une capitale, la police fait le vide dans le centre-ville. Il faut faire de la place pour ce grand personnage politique.
Mais ce grand personnage, c’était qu’un petit bébé emmailloté, couché dans une crèche. C’était tout le contraire de ce qu’on attendait, et c’est pourtant ce qu’il nous fallait : un petit être fragile comme nous le sommes tous au plus profond de notre coeur. C’est aussi un être blessé par la trahison de ses amis et par la cruauté du supplice de la croix. Ses souffrances laisseront des marques sur son corps, comme nos souffrances laissent de marques dans notre coeur. Les blessures de Jésus étaient telles qu’elles ont laissé des cicatrices. C’est grâce à ces cicatrices que les disciples ont pu reconnaître Jésus après sa résurrection. Car il est ressuscité. Jésus a dépassé la souffrance et la mort pour devenir la source de la vie pour chacun d’entre nous. C’est alors que le désert de notre solitude devient un lieu de plénitude, de la plénitude de l’amour et de la tendresse de Dieu dans notre vie de tous les jours.