Vous avez peut-être déjà vécu une telle expérience. L’ennemi dont parle l’Évangéliste Luc, c’est … tout simplement un de nos frères, une de nos sœurs. C’est celui qui te tape constamment sur les nerfs, qui te sourit quand tu es présent, mais qui parle mal de toi quand tu as le dos tourné. C’est celui qui t’a fait perdre ton emploi, celui qui t’humilie à tout moment. L’ennemi, c’est celui qui te méprise, qui te traite avec désinvolture. Et tu te rends compte soudain à quel point cela fait mal. On peut alors comprendre ce jeune étudiant qui dit qu’il ne peut pas ressentir d’amour pour une telle personne.
Pour comprendre l’instruction de Jésus concernant le commandement de « l’amour des ennemis » dans l’Évangile de Luc, il est important de faire la différence entre les deux expressions grecques pour dire « amour » : « philia », c’est l’amour des amis, c'est-à-dire un sentiment d’amitié lorsqu’on est attiré par quelque chose. Le mot grec « agapè » désigne en revanche un amour fraternel, divin et inconditionnel. Il s’agit d’un amour gratuit, désintéressé, qui se donne sans rien attendre en retour. C’est précisément de l’amour « agapè » dont il est question dans l’Évangile de Luc. Il ne s’agit pas d’un sentiment, mais d’une décision, d’un choix que je prends pour aimer l’autre au lieu de le haïr.
Certains d’entre vous sont mariés. Vous êtes des modèles vivants de ce que ce sacrement implique.
Au cours de la cérémonie, les fiancés se disent « oui » devant Dieu, source de l’amour, et s’engagent à s’aimer fidèlement tout au long de leur vie, dans le bonheur comme dans les épreuves. C’est une décision prise pour être à côté de l’autre jusqu’à ce que la mort vous sépare. C’est de cet amour « agapè » dont parle Jésus.
Alors que le monde enseigne aux gens à « aimer ceux qui vous aiment » (Lc 6, 32) et à « faire du bien à ceux qui vous en font » (Lc 6, 33), Jésus demande à ses disciples de ne pas agir comme le font les pécheurs. Il leur donne ainsi des exigences plus élevées : ils sont appelés à être « les fils du Très-Haut » (Lc 6, 35), c’est-à-dire à ressembler au Père qui est « bon pour les ingrats et les méchants » (Lc 6, 35). La mesure de l’amour que Jésus exige de ses disciples est celle de la miséricorde. « Soyez miséricordieux, comme votre Père est miséricordieux » (Lc 6, 36). En hébreu, le mot « rahamîm » signifie « les entrailles maternelles » et désigne l’amour infini du Père pour nous, un amour qui surpasse tout. Jésus nous révèle le visage de la miséricorde du Père.