Il pourrait le faire, lui, Dieu, tuer beaucoup de monde. C’était cela que les Juifs avaient tout d’abord imaginé : le Seigneur pourrait tuer tous les ennemis d’Israël. C’est comme cela qu’ils avaient chanté les exploits militaires réalisés par Samson contre les Philistins, par le roi David contre ses ennemis. C’était le Seigneur qui prenait l’épée et qui menait la guerre, et pourtant, à la même époque, c’est-à-dire dans l’Ancien Testament, on commençait à voir les choses autrement. Pendant l’Exode, pendant la traversée du désert depuis l’Égypte jusqu’à la Terre promise, le peuple hébreu s’était souvent révolté parce qu’il avait faim, parce qu’il avait soif, parce qu’il voulait une maison, un foyer, la paix et la tranquillité. Ils avaient même fait un veau d’or parce que Moïse était resté trop longtemps sur le mont Sinaï. Le Seigneur aurait pu détruire tout ce peuple ingrat, à la nuque raide et toujours en révolte, mais il ne l’a pas fait, justement parce qu’il est un roi, un vrai chef, maître de ses passions et de ses sentiments. Il aurait pu être fâché parce qu’il avait été trahi et humilié, abandonné et rejeté, mais son amour est plus fort que les vents contraires de la vie. Ce n’est pas un gros nuage qui pourrait éteindre le soleil de son amour.
C’est cela que Ponce Pilate ne pouvait pas comprendre : comment avoir en face de lui un homme qu’on accusait d’être roi et qui ne faisait rien pour se défendre ?
Pilate était un gouverneur romain. Il était habitué aux querelles de pouvoir. Pour lui, tout se réglait par la violence. Il était comme certains chefs politiques maintenant : il comptait le nombre de chars et le nombre de soldats qu’il pouvait mettre face à l’ennemi, car tous ses voisins étaient des ennemis.
Le Christ, lui, avait une autre perspective de la vie. Durant sa vie publique, il a permis à la femme adultère de repartir sans être lapidée. Après sa résurrection, il n’a pas accablé saint Pierre pour sa trahison, ni saint Thomas pour son manque de foi. Il n’a pas écrasé l’animal blessé, il a relevé la brebis perdue.
C’est cela la force et la grandeur d’un chef, d’un vrai : non pas régner par la violence, mais permettre à tous de se redresser et de se relever.
C’est cela que le Christ fait aujourd’hui encore une fois dans cette église et partout dans le monde. Il dépasse les horreurs de la guerre et il vient nous offrir son Corps et son Sang, son amour infini. Il nous montre ainsi sa véritable puissance, non pas faite pour détruire, mais utilisée pour construire, reconstruire et redonner de la vie à chacun d’entre nous.