Article header background
Répertoire
Jean-Bertrand Madragule
image

4ème Dimanche de Carême

Il y a des passages dans la Bible que nous avons déjà entendus et lus des dizaines de fois ; nous les connaissons presque par cœur, peut-être parce qu’ils font partie de nos textes préférés. La parabole du « Fils prodigue » en fait partie. Les enfants l’apprennent lors de la préparation à la première communion. Aujourd’hui, on préfère dire : « La parabole du Père miséricordieux ».

image

Crédit photo : Lawrence Lew op

Cette parabole est très impressionnante. Ceux qui ont eux-mêmes des enfants se souviendront de l’une ou l’autre chose qui leur rappellera le « fils prodigue ». Dans une famille, combien de fois manque-t-on de compréhension pour les enfants en quête de liberté ? Combien de fois y a-t-il de la jalousie entre frères et sœurs, et de l’incompréhension de la part des parents ? Dans une famille ou dans une communauté religieuse, qui peut dire qu’il agit comme le « Père miséricordieux » quand les nerfs lâchent ? Si tu penses à ta propre enfance et à ta jeunesse, as-tu peut-être également ressenti de l’incompréhension pour ton propre amour de la liberté ?

Le danger de ces passages bibliques que nous avons déjà lus et entendus si souvent serait de n’y voir toujours que la même chose, le préétabli et l’évident. Mais c’est peut-être aussi justement la chance de ces passages bibliques que de les relire, de les lire autrement, avec une autre perspective. Je me limite à la version courte de l’Évangile.

Le fils cadet, au moment où il se sépare de son père, au moment où il s’en va, est coupé de la source de la vie, il est mort, il est perdu. Le père laisse son fils partir, même s’il sait que ce chemin se terminera tout en bas.

Dieu est ainsi. Il laisse partir l’homme qui veut se séparer de lui.

Lorsque ce fils cadet se sépare de son père, il mène une vie de luxe et d’abondance. Il n’a même pas conscience du fait que, même à l’étranger, il vit encore de la fortune de son père.

Cependant, cela ne dure pas longtemps. La famine survient. Tout s’écroule d’un coup et il va très mal. C’est l’expérience que j’ai souvent faite en tant que frère dominicain. Lorsqu’un homme s’est séparé de Dieu, alors qu’il pensait gagner une grande liberté, tout s’effondre : divorce ou séparation, chômage, impossibilité de payer son logement. C’est exactement ce que vit le jeune de l’Évangile d’aujourd’hui.

Il n’avait pas d’autre choix. Il s’est porté volontaire pour garder les porcs. Garder les porcs était, à l’époque, le dernier travail qu’un Juif pouvait occuper. Pour les Juifs, les porcs sont des animaux impurs.

image

Crédit photo : Lawrence Lew op

Que fait son père ?

Quand la famine est arrivée, le père ne lui a envoyé ni chèque, ni aide. Est-ce vraiment là un « Père miséricordieux » ? Lorsque le fils cadet est au plus bas, au fond de sa crise, le miracle du repentir se produit. L’Évangile nous dit : « Il rentre en lui-même » (cf. Luc 15, 17). Quel est ce moment de grâce où le jeune homme, après une longue période de crise, rentre en lui-même ? Comment cela se présente-t-il en pratique, lorsqu’il rentre en lui-même et fait le bilan ?

Son regard ne se tourne pas vers la mangeoire pour porcs. Il ne réfléchit pas à la profondeur de sa chute. Ses pensées se tournent d’abord vers la maison paternelle, vers l’amour du père : « Mon Père est si bon ; chez mon Père, les ouvriers ont du pain en abondance, et moi ici, je meurs de faim » (cf. Luc 15, 17). On comprend ici que le père l’a laissé partir, mais que son amour l’a accompagné jusqu’à la mangeoire pour les porcs. Le fils retrouve alors dans son cœur l’amour du père. La vraie repentance ne se focalise pas sur le fait que l’on soit tombé si bas.

Mais la vraie pénitence tourne le regard vers le haut, vers l’amour du Père.

Après avoir pris conscience de sa perdition, le jeune homme prend une décision : « Je me lèverai, j’irai vers mon père, et je lui dirai : Père, j’ai péché contre le ciel et envers toi » (Luc 15, 18-19). Le jeune homme a eu le courage de dire : « J’ai péché ». Ne serait-il pas bon, en ce temps de carême, que nous prenions aussi une décision en disant : « Je me lèverai et dirai à mon père : j’ai péché » ? Peut-être que certains en arriveront là. Mais il faut ensuite passer à l’étape suivante : la troisième.

« Il se leva et s’en alla vers son père » (Luc 15, 20). D’autres personnes ne vont jamais plus loin que la deuxième étape. Elles se proposent d’aller se confesser, mais le rendez-vous est toujours renvoyé aux calendes grecques. La troisième étape est une étape décisive. Fais ce pas ; ne le repousse pas à plus tard.

« Il se leva et s’en alla » : c’est à ce moment que l’histoire change et que le père entre en ligne de compte. « Comme il était encore loin, son père l’aperçut et fut saisi de compassion » (Luc 15, 20). L’amour du père pour son fils était si grand qu’il savait au plus profond de son cœur que ce dernier reviendrait. Combien de temps le père a-t-il dû attendre pour le voir venir au loin ? Depuis combien de temps Dieu t’attend-il ? Des années, des décennies peut-être ? Mais il t’attend avec amour.

image

Crédit photo : Lawrence Lew op

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, ce n’est pas le fils qui court, mais le vieux père qui retrouve la jeunesse de ses jambes. « Il courut à la rencontre du fils, se jeta à son cou et le couvrit de baisers » (Luc 15, 20). Le père ne se souciait pas de l’odeur des porcs que le fils devait encore porter sur lui. Et lorsque le fils commence à avouer sa culpabilité, le père ne le laisse même pas finir. Le fils n’a même pas eu le temps de dire : « … traite-moi comme l’un de tes ouvriers ». Le père lui coupe la parole et dit à ses serviteurs : « Vite, apportez-lui le plus beau vêtement pour l’habiller, mettez-lui une bague au doigt et des sandales aux pieds » (Luc 15, 22).

On interprète ces quatre signes de l’amour et de la miséricorde du père ainsi : le baiser signifie que le fils retrouve la relation avec le père ; les vêtements sont le signe de la dignité du fils ; la bague est considérée comme un signe d’appartenance à une personne ou à une famille ; et les sandales sont un signe de liberté, car les esclaves marchaient alors pieds nus. Le père a fait abattre le veau gras, qui était là pour les occasions festives. Mais maintenant, c’est une occasion particulière : « Mon fils était mort… et il est revenu à la vie » (Lc 15, 24). « Et ils commencèrent à festoyer » (Luc 15, 24).

C’est la repentance telle que Dieu la conçoit. C’est cela le sacrement de réconciliation !

Chers frères et sœurs, Jésus dit : « C’est ainsi qu’il y aura de la joie dans le ciel pour un seul pécheur qui se convertit » (Luc 15, 7). La fête au ciel sera célébrée d’une manière ou d’une autre. Que tu sois présent à cette fête, cela dépend de toi.

En ce Dimanche de « Laetare », Dimanche de la joie, Jésus nous montre le véritable visage de Dieu :

Il est un Père miséricordieux. Il t’aime tel que tu es et il voit le bien en toi.

Une dame m’a dit un jour : « Frère Jean-Bertrand, j’ai découvert la présence de Dieu dans ma vie et maintenant, je sais qui Il est. Non seulement je le sais, mais j’en ai fait l’expérience. Pour la première fois, j’ai pu remercier Dieu même pour les moments difficiles de ma vie. J’ai appris qu’il est tout aussi aimable, miséricordieux, et qu’il m’aime tel que je suis. Dieu écrit droit avec des lignes courbes. » Amen.