Joseph est effondré.
« Comment a-t-elle pu me faire cela ? », cette question lui taraude l’esprit, lui arrache des larmes de dépit, de honte et de désespoir. Comment une fille comme Marie a-t-elle pu briser ainsi ses fiançailles et tomber enceinte ? Elle n’a même pas attendu qu’ils soient installés pour commettre ce péché. S’il en était ainsi avant la vie commune, qu’est-ce que cela aurait été après s’être installés ? Elle n’a même pas été capable d’attendre. Elle a bien manifesté sa véritable nature sous son air de sainte-nitouche.
Ce n’était pas la colère qui dominait en lui. Il aurait pu, il aurait dû la dénoncer et alors advienne que pourra. Il y aurait eu alors les cris de haine et de mépris, les crachats même de certaines femmes heureuses de se précipiter sur une pécheresse. On aurait même pu la conduire en dehors du village pour la lapider. Il ne fallait pas que sa mort souille la communauté.
Mais Joseph n’a pas laissé la colère envahir son coeur.
Il aurait pu se sentir vexé dans sa virilité. Il aurait pu imaginer les commentaires goguenards des hommes du village : « Il n’a pas été capable de tenir sa fiancée. Qu’est-ce qu’il pourrait faire avec une femme à la maison ? Pour tenir sa femme, ce n’est pas nécessaire d’être beau. Ce qu’il faut, c’est de l’autorité, de la discipline, montrer qui est le maître. » Non, Joseph n’a même pas été touché par ces sentiments humains.