Ne pouvait-elle pas faire cela le matin, avant qu’il ne fasse chaud, ou le soir quand il commence à faire frais ? Sans doute préférait-elle aller à midi parce que justement il n’y avait personne. Toutes les autres femmes la connaissaient. Elle avait cinq maris. Cela faisait beaucoup et les commérages allaient bon train. Quand la Samaritaine était au milieu de ses voisins, elle devait recevoir quelques remarques acides et blessantes. Elle préférait chercher de l’eau quand il n’y avait personne.
Ici, la femme adultère était dans une position bien plus dangereuse : elle était menacée de mort. Son compagnon, l’homme adultère, lui, avait son sort déjà réglé : il était condamné à mort. Il allait être lapidé. Ici, avec la femme, cela avait l’air moins clair. Probablement parce que les amants avaient été surpris dans la campagne. La femme avait alors le bénéfice du doute. Peut-être n’était-elle pas consentante. Peut-être avait-elle été violée ? Elle avait peut-être crié, mais personne ne l’avait entendu.
Mais les scribes et les pharisiens ne s’embarrassaient pas de telles questions. Ce qu’ils voulaient, c’était mettre Jésus en défaut, lui soumettre à un jugement impitoyable. Car, oui !, ils n’avaient aucune pitié. Pour eux, la chose était déjà bien résolue. Quand ils parlaient de la femme adultère, il disaient : « cette femme-là » et dans ce « là » jaillissait toute leur haine et leur colère. Il y en avait même qui crachaient d’autant plus fort leur ressentiment qu’ils voulaient faire oublier leurs propres péchés, leurs propres infidélités. Ceux qui crient le plus fort ne sont pas forcément les plus innocents. On l’a bien vu après la guerre quand les chasseurs d’anciens collaborateurs n’étaient pas nécessairement de vrais patriotes, mais des personnes soucieuses de faire oublier leurs compromissions. L’Évangile le dit d’ailleurs : tous les scribes et les pharisiens quittèrent la salle où se trouvaient Jésus et la femme adultère, en commençant par les plus âgés.