Je pense que les « mères » qui sont ici présentes pourraient confirmer que c’est effectivement la « plus belle phrase qu’une femme puisse entendre ». C’est précisément cela, l’« amour véritable » : il n’attend rien et ne demande rien, et laisse parler le cœur, il montre de l’intérêt pour l’autre. C’est ce qu’on appelle le « don de soi par amour ».
C’est le « don de soi par amour » que nous célébrons ce Jeudi saint.
Aujourd’hui commence le Triduum pascal, au cours duquel nous célébrons la Passion, la Mort et la Résurrection de notre Seigneur Jésus. La vie de Jésus en trois jours. La célébration de ce soir se situe dans le contexte de la dernière Pâque. Pour les Juifs, la Pâque est un «mémorial» (zikkarôn) (Ex 12, 14) qui rappelle et actualise l’« amour de Dieu » qui sauve son peuple. Cette fête, l’une des plus importantes du judaïsme, racontée dans le livre de l’Exode 12, 1-14.21-23, était célébrée « en famille » et rappelait la libération du peuple d’Israël de l’esclavage en Égypte. Les participants partageaient un repas rituel, appelé « Séder », au cours duquel était raconté le récit de la sortie d’Égypte et où l’on bénissait surtout Dieu pour sa « protection ».
C’est précisément ce que Jésus a fait ce soir avec ses disciples dans l’Évangile selon saint Jean (13, 1-15). Par ses paroles et ses gestes, Jésus a donné un sens nouveau à la Pâque juive. Le passage de l’esclavage à la libération du peuple d’Israël symbolise le passage de la Mort à la Résurrection du Christ. Ce que Jésus a fait à la dernière Cène avec ses disciples se résume en trois expressions : Don de soi par amour, service et faire mémoire.
Si l’on compare la lettre de saint Paul aux Corinthiens (1 Co 11, 17-34) et les trois premiers Évangiles de Matthieu (26, 26-30), Marc (14, 18-26) et Luc (22, 14-23), on constate qu’ils racontent les récits de l’institution de l’Eucharistie de manière très similaire. Dans les récits de la Cène, ils mentionnent tous le partage du pain et du vin. Mais pourquoi l’Évangéliste Jean passe-t-il ce récit sous silence ? Le récit de la Cène n’apparaît pas du tout chez lui. Bien sûr, Jean sait aussi qu’un repas a eu lieu au Cénacle, comme il est mentionné au début de l’Évangile de ce soir. Mais pourquoi ne raconte-t-il pas du tout le récit de l’institution de l’Eucharistie ? Ne s’en souvient-il pas ? Et pourtant, il y était présent lui-même. Après le repas, il évoque plutôt le lavement des pieds. Un geste que les autres évangélistes ne décrivent pas.
Au Cénacle, la tradition biblique nous rapporte deux actes de Jésus : l’institution de l’Eucharistie et le lavement des pieds. Il s’agit de deux gestes différents, mais qui expriment la même réalité : le don de soi par amour. Ce soir, nous ne célébrons pas la mort de Jésus, mais son don de lui-même par amour pour nous. L’Évangile selon saint Jean nous raconte comment Jésus se lève de table, enlève son manteau, ramasse son tablier et se met à laver les pieds de ses disciples. C’était un travail que seuls les esclaves ou les serviteurs avaient l’habitude d’accomplir. En effet, les gens portaient des sandales et les rues étaient poussiéreuses.
Connaissant bien ses disciples, Jésus, « le Maître et le Seigneur » (Jn 13, 13), se détache de tout et se met au service de l’humilité afin de construire la fraternité et de bâtir le Royaume de Dieu. Jésus ne lave pas la tête de qui que ce soit, mais bien les pieds de tous ses disciples, y compris celui qui allait le trahir, Judas. Serais-tu capable de faire preuve de cet amour inconditionnel et de ce pardon qui furent nécessaires à Jésus pour laver les pieds de celui qui allait le trahir ?