Etonnante d'ailleurs cette notion de service. En effet, en consultant tant les dictionnaires Larousse que Robert, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir à quel point le service est présenté de manière négative. Dans les deux dictionnaires, cinquante pourcent touche à la notion de service militaire et beaucoup de ceux qui sont passés par là, n'ont pas vu ce temps à l'armée comme lieu d'épanouissement mais plutôt comme obligation à devoir accomplir. Quarante autres pourcent sont dévolus à la définition négative du service entendu comme travail à devoir accomplir, tâche imposée par la fonction, fait de se mettre à la disposition de quelqu'un par obligeance. Et enfin dix pour cent parlent du service comme une aide, une faveur. Alors si les dictionnaires s'y mettent aussi, cela signifie quelque part que cette notion de service soit rendue plus difficilement acceptable dans notre culture. [L'exemple de l'article de la promesse guide jamais choisi se comprend mieux dès lors].

Pourtant au coeur du Royaume de Dieu, d'après les dires du Christ, la notion de service est essentielle. Comment la comprendre, la saisir. Peut-être tout simplement en relisant ce verset de Marc à la lumière de l'évangile de Jean où Jésus nous parle également de service. En Jean, le Christ nous annonce ceci : « Je ne vous appelle plus serviteurs mais amis ». Comme si la notion de service s'entendait comme le début d'une démarche, d'un chemin humain nous conduisant d'un état de serviteur à celui de l'ami. Ou mieux encore, comme si chacune des tâches que nous accomplissons par devoir, par obligation, nous apprenions à les vivre, à les réaliser au nom de l'amitié c'est-à-dire par amour. Le service que nous sommes invités à réaliser est celui qui se vit dans l'amour. Rien de plus, rien de moins. Et l'exemple qui me vient à l'esprit est celui de la mère au foyer, vous savez celle dont on dit : « qu'est-ce qu'elle fait ta maman ? Rien, elle reste à la maison ». Comme si rester à la maison n'était rien faire. Pour le savoir, il faut en faire l'expérience. Quand une maman n'est pas là, nous nous rendons compte de l'ampleur de tous ces petits services qui font l'harmonie d'une famille. Ces derniers sont d'ailleurs si peu reconnus par notre société. Combien de mères au foyer n'ont-elles pas reçu comme gifle la phrase suivante : « toi, tu ne peux pas comprendre, tu ne travailles pas ». Or il ne faut pas avoir tout vécu pour comprendre. La compréhension est d'abord une affaire d'écoute, d'attention et surtout de tendresse à l'autre. Qualités partagées par tant de mères au foyer.

Le service dont le Christ nous parle ce soir est un service d'amour, c'est-à-dire un service qui demande une certaine forme d'abnégation de notre part, une certaine humilité mais également une certaine richesse : celle de découvrir que la vie se vit avant tout et surtout dans une multitude de petites choses. C'est la multiplicité des petits services qui permet à une communauté humaine d'exister. Il n'y a pas de services plus grands que d'autres. Ils ont tous leur place et leur importance. Tout au long de notre vie nous passons par des étapes où nous sommes soit servis soit serviteurs. L'important c'est de ne jamais déconsidérer l'autre. L'un n'est pas mieux que l'autre. Et le mépris éprouvé à l'égard de celles et ceux qui nous servent disent nettement plus le peu d'humanité de celles et ceux ayant un tel sentiment que de celui qui sert. Un jour nous servons, un jour nous sommes servis.

Ne l'oublions jamais. Recevons le service comme un cadeau de la vie, offrons nos services comme signe d'amitié. Alors avec Jésus, nous pourrons nous dire les uns aux autres : « je ne nous appelle plus serviteurs mais amis ».
Amen.