On commence la messe par cette invitation : « reconnaissons que nous sommes pécheurs ». Pourquoi pécheurs ? Je n’ai pas commis chaque semaine un adultère, un meurtre et un vol. Et à le fin de la messe on remet ça : on demande à l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde d’avoir pitié de nous. Qu’est-ce que j’ai bien pu faire de mal pendant la messe ? Peut-être un manière d’approcher ce mystère serait de se rappeler que nous, els moines et les religieux, nous commençons toujours notre prière par cette invocation : « Dieu, viens à mon aide. Seigneur, à notre secours ». Sommes-nous donc menacés par la guerre ou par une persécution, ou bien par la cruauté d’un mortel ennemi qui chercherait à nous détruire ? Oui, c’est certain, ils sont nombreux les chrétiens qui, dans certaines régions du monde, sont directement menacés par la guerre et par les persécutions. Oui, nous pouvons nous sentir menacés par des groupes extrémistes qui peuvent provoquer un attentat, mais je ne crois pas que la liturgie pense d’abord à tout cela. Si depuis toujours et partout les moines et les religieux ont commencé leur prière de façon-là, c’est pour une raison bien plus profonde. C’est la peur d’être abandonnés qui pousse les moines et les religieux à parler de la sorte à Dieu. Cela me fait penser au désespoir d’un petit garçon qui joue dans un parc public. Il est là avec son ballon, il court, il joue, il va à gauche, il va à droite, et soudain c’est comme s’il se réveillait. Il ne voit plus sa maman. Il est perdu. Il était tellement absorbé par son jeu qu’il en a oublié l’essentiel : être auprès de sa maman. Et c’est bien là le danger de toute notre vie active, le danger aussi des années qui passent. A force de vivre et de travailler et de réussir, on finit par être tout entier absorbé par ces activités. Ça marche et c’est épanouissant. On en oublie son conjoint, ses enfants, ses parents. Ou bien ils apparaissent parfois comme des entraves à notre épanouissement professionnel et personnel. Oh ! Au début, on ne pouvait pas se passer l’un de l’autre. Mais les années ont passé : Roméo a perdu ses cheveux et Juliette a gagné quelques kilos. Le conjoint, Dieu n’est plus le centre de notre vie. Pire : nous ne sommes plus capables de lui dire merci parce que c’est lui qui donne un sens à notre vie. C’est là un grand acte d’humilité, mais aussi et surtout d’honnêteté intellectuelle de pouvoir dire merci à Dieu. Car c’est lui qui nous donne la vie, c’est lui aussi qui nous apporte à chacun instant de notre vie cette dose d’amour dont nous avons tellement besoin. C’est lui aussi qui nous donne nos frères et nos sœurs. Même si parfois ils nous énervent, ce sont tous des dons de Dieu. Et c’est bien ce que dit le texte latin du Notre Père : « remets-nous nos dettes comme nous les remettons à nos débiteurs ». Nous sommes débiteurs devant Dieu, infiniment débiteurs parce qu’il nous donne la vie, parce qu’il nous donne l’amour. Oui, que notre vie ne soit qu’un cri de louange et de remerciement pour tout ce que Dieu fait pour nous.
Trentième dimanche
L’évangile d’aujourd’hui nous place devant une alternative désagréable : nous sommes ou bien comme le pharisien imbu de lui-même ou bien comme le publicain pécheur. Voilà qui paraît un peu caricatural. Nous ne sommes pas tous tout le temps des gens bouffis d’orgueil, fiers de nous-mêmes au point de considérer les autres avec condescendance et paternalisme. Nous ne sommes pas non plus comme ce publicain qui profite de sa situation pour détourner de l’argent à son profit. Cela paraît presque malhonnête de réduire ainsi toute l’humanité, ou tous les croyants, en deux catégories : les orgueilleux ou les pécheurs. Et d’ailleurs, à ce propos, on peut faire remarquer que la liturgie aime bien culpabiliser tous les fidèles.