C'est vrai tout au long de l'année, nous sommes sollicités par divers appels à notre générosité. Et il est évident que tous ces petits dons permettent à des hommes et des femmes dans notre monde de trouver ou retrouver leur dignité. Dès lors au-delà du kit de la bonne conscience, il y a lieu de poursuivre et répondre positivement, dans la mesure de nos moyens, à ces appels, même si à certains moments nous avons la nette impression que ces sollicitations sont continues et qu'on ne nous laisse pas le temps de respirer. Elles peuvent nous donner alors un sentiment de culpabilité si nous n'ouvrons pas notre porte-monnaie. Comme si c'était mal de ne pas soutenir le projet proposé. Nous sentons une certaine pression. Faut-il donner à la maman avec son enfant dans la rue, alors que je viens de dépenser de l'argent pour m'offrir un petit cadeau. Ce type de pensée nous traverse l'esprit. C'est vrai. Tout simplement parce que la notion de don, de cadeau n'est pas aussi simple que cela. Elle est d'abord et avant tout éminement subjective. Je peux dépenser une grosse somme d'argent pour offrir quelque chose à quelque que j'aime. Et en même temps, cela peut me faire mal de dépenser le dixième de cette somme pour un cadeau d'obligation à quelqu'un pour qui j'éprouve de la sympathie mais non de l'amour. Le don est d'autant plus subjectif que certains d'entre nous préférent donner que recevoir. Un cadeau fait évidemment plaisir, mais lorsque nous un recevons un, souvent nous sentons redevable d'une dette. Et il y aura lieu de créer un espace temps entre ce don reçu et celui que nous ferons pour nous donner l'impression que notre don à nous est également gratuit. Un peu comme si, écrivait un philosphe, tout don est une invitation dans le temps à un autre don.
Le don est également ambigu : certains aiment les cadeaux d'obligation comme à Noël ou aux anniversaires. Moi, personnellement, je ne les aime pas à ces occasions-là parce que je ne me sens pas libre d'offrir. Si je ne fais pas de cadeau, je blesse la personne aimée. D'autres me diront que même les cadeaux d'obligations sont de vrais cadeaux parce que nous aurons pris le temps de chercher comme si dans le cadeau d'obligation, il y avait le don du temps, temps vécu comme valeur en elle-même. Et nous reviennent à l'esprit le temps passé pour les pâtes peintes de nos colliers en macaroni lors de la fête des mères. Ces petits cadeaux sans réelle valeur marchande disent tellement de l'amour donné et partagé. Il y aussi les cadeaux que nous faisons à l'autre mais qui sont aussi un peu pour nous. Je me rappelle qu'à l'âge de 9 ans, j'avais acheté un 45 tours de Claude François pour ma maman parce que j'adorais cette chanson et que je savais très bien qu'il n'était pas question qu'un tel type de musique entre à la maison sauf par le biais du cadeau. Ce cadeau n'en était pas véritablement un puisqu'il était un moyen en vue d'une fin autre que le plaisir de recevoir quelque chose qui plait. Les dons peuvent donc bien être parfois ambigu.
Je crois cependant que les plus beaux dons sont ceux qui sont offerts sans raison ou plutôt qui ont pour unique raison l'amour ou l'amitié. Tiens voilà ce cadeau est pour toi, en voyant cet objet, j'ai pensé à toi et j'ai eu envie de te l'offrir sans raison si ce n'est toi. Lorsque le don est vécu dans l'amour, nous quittons le champ du superflu, nous donnons tout simplement un peu de ce que nous sommes.
Et voilà qu'aujourd'hui, l'évangile nous invîte à ne pas nous enfermer dans notre superflu mais à donner de nous-mêmes, à nous donner totalement dans ce que nous sommes, dans nos relations et dans nos gestes de solidarité. Le superflu est trop facile, le don qui nous coûte est don véritable.
Amen.