Cette sagesse de la nuit des temps attribuée à Socrate me rappelle ce qu'un de mes frères dominicains se plaisait à répéter : « lorsque tu parles à quelqu'un d'autre, n'oublie jamais de tourner sept fois la langue non pas dans ta bouche mais autour de ton coeur ». Oui, dans la foi, comme le souligne le sens de l'évangile que nous venons d'entendre, la source même de nos paroles, de nos gestes et de nos actes se trouvent dans notre c½ur. Celui-ci est non seulement le moteur de nos existences mais il est la raison même de notre comportement. Dieu ne semble pas attendre de nous de grands miracles, ces attitudes exceptionnelles, au-delà de toute imagination. Il nous invite plutôt, là où nous sommes ou mieux encore là où nous en sommes dans la traversée de nos vies, à nous tourner vers notre hôte intérieur, l'Esprit Saint, pour que celui-ci nous pousse constamment à vivre d'amour. Ce dernier est le seul combustible nécessaire à l'accomplissement de toute destinée. En effet, nous ne pouvons pas vivre sans amour. Toutes et tous, nous avons cette soif indicible d'aimer et d'être aimé. Un lieu comme cet hôpital est d'ailleurs un rappel constant que seul l'amour importe puisque l'amour toujours l'emporte. Cet amour n'est pas un concept théorique ou un pur sentiment. Non, il est bien plus que cela. Il s'agit d'un mouvement qui vient du plus profond de notre être, passe par notre coeur pour rayonner ensuite en chaleur subtile dans nos yeux, notre visage, notre voix, nos mains, en fait dans notre être tout entier. Et ce qui est merveilleux, c'est que l'amour se vit quelle que soit notre condition. Il n'a pas besoin de grand chose, juste une attention à l'autre, une bienveillance, une empathie c'est-à-dire ces qualités qui définissent l'essence même de notre humanité. L'accomplissement de notre destinée ou en d'autres termes, notre divinisation, passe par ces différentes attitudes du c½ur qui, il est vrai, sont souvent aiguisées au contact de l'expérience du deuil et de la maladie. Il y a en chacune et chacun de nous des lézardes intérieures qui peuvent soit nous miner et nous enfermer dans un passé à jamais révolu, soit nous transformer parce que nous avons pu intégrer en nous tous les événements de notre histoire pour nous ouvrir mieux encore à l'avenir. Croire au Dieu de Jésus-Christ devient ainsi pour chacune et chacun de nous une occasion unique de déployer toute la tendresse qui vit en nous pour l'offrir tout doucement à celles et ceux qui ont faim, qui attendent une visite, une attention, un peu de douceur tout simplement. Grâce à cet amour incarné dans notre manière de nous accompagner les uns les autres, des hommes et des femmes deviennent par nous des miraculés de la vie. Miracle de l'amour. Miracle de la vie. Voici, des miracles qui sont à portée de notre coeur. Souvent, il ne faut pas grand chose. Parfois, juste trois passoires.
Amen.