La croix du conte, (l'épis de maïs de la seconde lecture), la fraction du pain de l'évangile, ont un point commun : grâce à eux nous nous souvenons de quelque chose, d'un événement qui nous a marqué à jamais. Et ils sont nombreux les exemples que nous trouvons dans nos vies : des objets, des odeurs, des lieux, des musiques, des phrases, des dates, des textes aussi parfois. Chaque fois qu'un de ceux-ci resurgit dans notre vie, il nous rappelle un souvenir important, heureux ou malheureux d'ailleurs. Parfois ces souvenirs sont tellement enfouis en nous que nous croyons les avoir oubliés et il suffit alors d'une note, d'un mot pour qu'ils refassent tout d'un coup surface. Bien souvent, tout cela est possible parce que derrière chacune de ces petites choses qui peuvent apparaître bien anodines aux autres, il y a le souvenir d'un moment passé avec quelqu'un d'autre. Ces petites choses nous rappellent une relation vécue, un bonheur partagé, un moment d'amitié. Un peu comme si nous investissions ces différents objets, temps, bruits ou odeurs d'une dimension affective qui redonne du baume au coeur lorsqu'ils traversent à nouveau notre histoire.

L'histoire de l'évangile de ce jour est également une invitation à rendre un souvenir vivant, à ne pas l'enfermer dans les vestiges d'un passé à jamais révolu. C'est vrai, il suffit parfois d'un petit rien pour reprendre contact, pour dépoussiérer une relation qui s'était quelque peu endormie au fil des années. Le souvenir est important, surtout s'il est vivant, c'est-à-dire s'il nous donne l'occasion de redonner vie à la vie lorsque c'est encore possible. Si c'est vrai entre nous, il doit en être de même vis-à-vis de Dieu. L'eucharistie est l'occasion de rendre le souvenir du Christ vivant. Ce souvenir s'éclaire à la fraction du pain, à la méditation des lectures proposées, à la prière silencieuse. Ce souvenir donne la vie. S'il en est véritablement ainsi quelle est véritablement l'intensité de ce dernier, sommes-nous invités à nous poser. Est-ce le souvenir d'un acte historique qui s'est passé il y a bientôt deux mille ans ou bien est-ce le rappel heureux d'un repas partagé avec ce Dieu qui s'est fait homme pour que nous devenions Dieu. Comme les disciples d'Emmaüs nous sommes en marche sur la route de la foi, sur la route de la vie. Cette route est parsemée de rencontres, de relations à vivre et Dieu y a toute sa place. Ils étaient deux lorsqu'ils l'ont reconnu, un peu comme si c'est dans la relation que Dieu se laisse découvrir à nous.Puissions-nous en créer de suffisamment nombreuses pour que nous aussi, parce que nous continuons à être pleinement en Dieu, nous puissions le reconnaître à la fraction du pain et nous en nourrir ensuite. C'est cela aussi la merveille de l'eucharistie.
Amen.