Pardonner, c'est entre autre accepter de reconnaître l'autre, celui qui m'a fait mal, dans ce qu'il est, en son altérité. C'est accepter de reconnaître en lui ou en elle une part d'inconnaissance, d'imperfection, une sorte de nocturnité dont lui-même n'a pas pleinement la maîtrise. Pardonner, c'est donc ouvrir en l'être offensant un nouveau chemin sur lequel il ou elle pourra continuer d'avancer, de vivre avec un fardeau moins lourd. C'est lui permettre ainsi d'aller à la rencontre du meilleur de lui-même. Nous découvrons alors que le pardon est une forme particulière d'amour de l'autre. Jamais rien n'est perdu, tout peut toujours recommencer. Cependant, il y a également dans le pardon une dimension plus personnelle et que nous oublions souvent, c'est-à-dire qu'il y a aussi lieu de se libérer soi. Nous avons à prendre conscience que faute de pardon, nous resterons toujours hantés par un souvenir douloureux. Ce dernier ne cessera de resserrer en nous un noeud de haine et de colère. Cette colère que nous éprouvons à la fois contre nous-même puisque, quelque part, nous nous reprochons de n'avoir pas su nous défendre contre notre offenseur mais également contre celui-ci qui, outre la blessure, reste le maître de notre existence par l'emprise qu'il a sur nos souvenirs, si douloureux soient-ils. Le pardon devient pour nous, dans cette dimension personnelle, l'expression d'une farouche volonté de reprendre sa liberté. Par cette démarche, nous allons délier au fond de nous-même cette tension qui nous empoisonne la vie et nous rend prisonnier de l'événement. Ainsi, arriverons-nous à retrouver une certaine estime de nous, où la blessure n'aura plus le dernier mot, notre propre volonté ayant pris le dessus. Dès lors, nous pouvons affirmer que seule une démarche de pardon peut éliminer la haine entre nous, pour nous permettre de sortir de ce fameux cercle vicieux du « oeil pour oeil - dent pour dent ». Nous évitons ainsi une escalade dans la violence qui conduit inévitablement à l'exclusion de l'autre. Le pardon ouvre alors au plus intime de nous-même une nouvelle voie faite d'amitié, de tendresse où chacune et chacun en se "déliant" mutuellement retrouve sa liberté et redonne une certaine dignité à la relation blessée.

Il est pour nous ce passage qui va permettre d'abandonner notre passé-souffrance pour prendre possession d'un futur possible, notre futur, celui qui va libérer toutes nos forces de vie, d'amour et de création, pour remarcher sur le chemin de nos existences. Alors et alors seulement, nous vivons entre nous ce que nous appelons la réconciliation, à l'image de celle proposée dans la parabole du fils prodigue. Cette dynamique de réconciliation peut sembler bien simple lorsqu'elle est enfermée dans un drapé de mots mais ô combien difficile dans la réalité de la vie. C'est pour cela que je crois que la réconciliation trouve avant tout sa source dans notre relation à notre Dieu, Père de tendresse et de miséricorde. En lui, nous pouvons la force pour dépasser ce qui semble impossible à l'être humain et par lui, nous percevons une capacité de pardon qui va au-delà de toutes nos espérances puisque le pardon divin nous est donné lorsque nous le demandons. Tout un chemin d'humilité. Au coeur de nos vies, sommes-nous capables de vraiment pardonner ? Suivons-nous l'attitude du père ou du frère de la parabole ? A chacune et chacun d'y répondre, en conscience.
Amen.