Je profite de ce quatrième dimanche de l’Avent pour l’affirmer : aucun frère dominicain n’est né dominicain. Il l’est un jour devenu. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître. Et il en va un peu de même dans l’évangile que nous venons d’entendre avec l’histoire de ces deux femmes tout aussi invraisemblables : la première n’avait déjà plus d’âge et elle tombe enceinte de Jean-Baptiste, l’autre n’avait pas encore l’âge puisqu’elle n’était que fiancée. Deux histoires invraisemblables au premier abord et pourtant. Pourtant ces deux femmes fragiles, la première dans sa vieillesse, la seconde dans sa jeunesse vont transformer le cours de l’histoire de notre propre humanité.

Et elles vont le faire d’une manière tout aussi invraisemblable. Elles vont simplement croire ce qui leur arrive. Nous sommes au-delà de tout entendement humain, de toute logique conceptuelle. Deux êtres fragiles de la vie, deux femmes fortes dans leurs croyances vont accepter et surtout accueillir dans la joie ce qui leur arrive. Elles portent en elles notre avenir renouvelé. Elle nous ouvre ainsi la voie vers une ère nouvelle, celle où Dieu se fait l’un des nôtres pour que nous accédions à notre tour au partage de sa vie divine. Il est alors normal qu’Elisabeth s’écrie : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». Oui, heureuse es-tu Marie d’y avoir cru et heureux sommes-nous que tu y aies cru. En agissant de la sorte, Marie nous invite à entrer dans un chemin de confiance ou pour le dire autrement à choisir la route de la foi même si tout cela semble tellement invraisemblable. Contrairement à ce que certains pensent, la foi n’est pas une affaire de doctrine ou de morale. Non, la foi est d’abord de l’ordre d’une relation avec ce Dieu Père qui s’est révélé en son Fils par l’Esprit. La théologie n’a de sens que si elle nous donne les mots qui nous permettent d’entrer en relation. Il ne s’agit pas de constructions théoriques mais plutôt de retrouver en nous le langage du cœur. Avoir la foi, c’est oser vivre une relation de cœur humain à cœur divin. Les mots de la foi sont alors les mots de notre propre cœur. Il suffit de nous adresser au plus intime de nous-mêmes avec les mots d’amour que nous avons faits nôtres. Il n’y a pas de prière toute faite. C’est à chacune et chacun de nous de la composer puisque toute prière est offerte à Dieu dans cette étreinte qu’il nous est donné de vivre chaque fois que nous nous adressons à Lui. Oui, mais nous entend-il ? sommes-nous en droit de nous demander. Ici à nouveau, il n’y a pas de réponse toute faite puisque nous sommes dans l’ordre de la foi. Nous n’en avons aucune certitude. Juste une espérance qui peut jaillir du plus profond de notre être si à l’instar de Marie, nous osons croire « à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ». En ce sens la foi est sans doute le plus beau risque qu’il nous est donné de vivre car cette espérance s’inscrit dans une confiance. Osons alors le risque de la foi en ce Dieu qui vient à nous. Et ce d’autant plus que ce risque s’inscrit et se réalise dans l’amour de notre Dieu pour chacune et chacun d’entre nous. Le risque de l’amour n’est-il pas le pari de notre foi ? Osons le croire et l’espérer tout en confiance. Nous vivrons mieux encore l’événement de Noël.
Amen.