Nous aussi dans nos vies, nous sommes confrontés à la souffrance morale ou physique de l'autre, à la maladie d'un être cher. Et souvent nous sommes mal à l'aise. Nous ne savons pas quoi dire. Les mots nous manquent et nous préférons parfois éviter la rencontre. J'en ai pour preuve l'histoire suivante. Alors qu'elle se savait condamnée par la médecine, peu avant de mourir, elle me confiait que le plus dur pour elle au cours de sa maladie, avait été de voir des personnes qu'elle connaissait et qui changeait de trottoir, comme si elles ne l'avait pas vu, pour ne pas devoir lui parler. Tellement les mots leur manquaient. Et elle, elle ne demandait pas grand chose : juste un peu de douceur, un peu de tendresse. Il ne lui fallait rien d'autre. Elle n'en voulait pas à celles et ceux qui se détournaient d'elle. Elle regrettait simplement que nous soyions si mal préparé à accompagner les personnes en souffrance. C'est vrai mais que dire, que faire ? Rien si ce n'est d'être là et reconnaître surtout que nous ne pouvons jamais tout à fait comprendre la souffrance de l'autre. Il y a donc d'abord cet acte d'humilité à faire : je t'accompagne dans ce que tu vis mais en même temps je reconnais que je n'ai pas la prétention de tout saisir. Je ne suis pas toi, tu n'es pas moi. Je suis là et c'est bien ainsi. Avoir la prétention de comprendre et ramener la souffrance de l'autre à une expérience personnelle vécue, c'est entrer dans la spirale de la non écoute puisque je sais ce que tu ressens l'ayant vécu moi-même. Nous passons alors à côté de la rencontre. Mais alors revient à nouveau en nous la question : que faire, que dire ? Il n'y a rien à dire puisque toute expérience de souffrance est de l'ordre du mystère, de l'indicible. Il y a alors le silence. Oh, non pas un silence vide de sens et pesant mais plutôt un silence à l'écoute de la chair de l'autre pour sentir en nous la vibration de son être, la vibration de sa vie. Et sans autre prétention que celle d'accompagner la personne aimée dans ce qu'elle ressent. Il n'y a plus de parole dans ce monde là si ce n'est une écoute attendrie, empreinte de douceur accompagnée d'un geste de tendresse et d'un regard aimant. Et pourtant ces gestes nous font peur. Nous les vivons souvent comme étant maladroits. Et cette maladresse n'est que le signe de notre pauvreté et de notre fragilité face au drame de l'autre. Il nous ramène constamment à notre propre finitude, à notre propre mortalité. Et ça c'est difficile à vivre dans un monde comme le nôtre qui essaye de nous faire croire que nous sommes des êtres immortels en éloignant de nous le plus possible la réalité de notre mort. C'est vrai devant la souffrance, la nôtre et celle des autres, nous sommes profondément démunis et impuissants.
Nous aimerions tant pouvoir changer le cours des choses mais cela ne nous a pas été donné. Il nous reste alors l'exemple du Christ. A nous aussi de nous approcher de celles et ceux qui souffrent et de leur prendre la main. Cela ne changera pas la maladie mais notre geste, notre regard redonnera à l'autre toute sa dignité. Il ou elle pourra à nouveau être debout à ses propres yeux. Jésus nous ouvre le chemin.
Amen.