Dieu le Fils, dans l'événement de l'Ascension, a choisi de se retirer, de s'effacer de notre monde pour nous laisser un nouvel espace à occuper. En effet, s'il était resté parmi nous, nous aurions sans doute perdu notre liberté car nous nous serions souvent tournés vers lui pour qu'il nous dise ce qu'il y a lieu de faire dans telle ou telle situation. Au contraire, le Christ s'efface après nous avoir donné tout ce dont nous avons besoin pour réussir notre entreprise de co-création. Il nous laisse les mains libres et nous convie à occuper dorénavant autrement l'espace qu'il nous offre par le biais de son absence. Il ne s'agit pas d'une absence désertique mais plutôt d'une absence pleine de la présence de l'Esprit Saint tel que Celui-ci nous sera donné dans l'événement de la Pentecôte. Tout comme le Père lors du septième jour de la Création, le Fils décide d'agir de la même manière. Il s'est retiré en chacune et chacun de nous pour que nous conduisions plus librement encore nos vies. Et aujourd'hui encore, il peut nous sembler à notre tour bien difficile de nous effacer. Combien de parents, au fil de la maturation de leurs enfants, ne se retirent-ils pas sur la pointe des pieds pour permettre à leur progéniture de poursuivre leur propre route comme ils l'entendent ? Combien de personnes, initiatrices de projets, acceptent-elles vraiment de s'effacer pour le bien de ce qui a été mis en place ? Etre capable de s'effacer face à ce que nous avons mis en place ou encore fait grandir, demande une certaine dose d'humilité. Cela est d'autant plus vrai lorsque nous avons été partie prenante de projets. Nous nous sommes investis et puis, vient un moment où pour le bien de ce qui a été mis en place, il nous faut passer à autre chose et permettre à ce que d'autres poursuivent ce qui a été engendré par nous. Il peut y avoir comme une forme de déchirure. Notre ego en prend un sacré coup. Nous découvrons à nouveau que nous ne sommes pas indispensables et que d'autres peuvent continuer, voire améliorer, ce que nous avions commencé. Par-delà l'humilité requise, il s'agit également de faire confiance à nos successeurs. Ils auront d'autres idées. Ils transformeront peut-être l'objectif initial. Ils tiendront sans doute compte d'éléments nouveaux. Ils s'adapteront. Et nous, de notre côté, nous devons apprendre à lâcher prise, à accepter de ne plus pouvoir tout diriger. Cela nous demandera peut-être parfois de la patience : être capable d'accepter de passer à autre chose dans sa propre vie. Il s'agit d'un effort de la volonté lorsque nous vivons cela de manière libre. Il est vrai que l'expérience de la maladie, de la vieillesse, de la perte d'un être cher, nous conduit également à vivre cette expérience de l'effacement, du retrait. Il ne s'agit en rien d'une négation de sa personne et de son histoire mais plutôt d'une nouvelle manière d'écrire sa vie. Par ces réalités nouvelles, un espace insoupçonné peut se laisser découvrir. Le retrait, l'effacement nous permettent de prendre à nouveau un certain recul par rapport à ce que nous sommes devenus. Il est une occasion de pouvoir remettre certaines pendules à l'heure, de revenir à ce qui fait l'essence de nos existences, de reprendre le temps pour l'offrir à Dieu. Le Christ s'est retiré à nos yeux pour mieux venir inhabiter en nous. Il s'est effacé de ce monde terrestre pour entrer pleinement dans le Royaume de l'Amour là où toutes et tous nous serons un jour rassemblés. Réjouissons-nous alors qu'il nous ait donné un tel espace de Vie pour transcrire en nos coeurs à chacune et chacun la merveille du don de Dieu : la foi, l'espérance et l'Amour.
Amen.