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Répertoire
Jean-Bertrand Madragule
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3ème Dimanche de l'Avent

La rencontre entre l’enfant et la pierre est une parabole pleine de sagesse. Humble et silencieuse, la pierre rappelle qu’elle est heureuse d’être ce qu’elle est. Elle reste immobile, fidèle à elle-même, quelles que soient les saisons, les intempéries ou l’obscurité de la nuit. Cette image nous conduit au troisième dimanche de l’Avent.

J’ai lu une fois l’histoire suivante :

Un enfant, le cœur léger et rempli de joie, s’arrête devant un grand rocher. Curieux, il lui demande : « Que fais-tu là, gros rocher ? » — « Je repose sur la terre », répond doucement le rocher. L’enfant poursuit : — « Et quand la nuit tombe ? » — « Je repose sur la terre », répète le rocher. — « Et quand la pluie tombe ? » — « Je reste là, tranquille », dit le rocher. — « Et quand la neige recouvre tout, qu’il fait froid et que je n’ai pas envie de sortir avec mon manteau d’hiver ? » — « Je demeure immobile, fidèle à ma place », répond le rocher. Alors l’enfant soupire : « Pauvre pierre… » et il la caresse avec tendresse. Mais la pierre sourit dans son silence : « Je ne suis pas pauvre, petit ami. J’aime être une pierre autant que tu aimes être un enfant. J’aime rester immobile autant que tu aimes bondir partout. Je n’ai pas froid quand l’hiver arrive. Je n’ai pas peur quand la nuit s’installe. Je suis heureuse d’être une pierre et j’ai la joie au cœur. »

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The Rocking Stone, Warley Moor © Humphrey Bolton, CC BY-SA 2.0, via wikimedia commons

Cette image nous conduit donc au troisième dimanche de l’Avent, où la figure de Jean le Baptiste revient. Mais cette fois, il n’est plus dans le désert de Judée : il est emprisonné. Hérode Antipas l’y a jeté pour avoir osé dénoncer son union avec Hérodiade, la femme de son frère Philippe (Mt 14, 3-4).

Enfermé dans sa cellule, Jean entend parler des œuvres accomplies par Jésus (Mt 11, 2). Mais ces récits, loin de le rassurer, ébranlent sa foi. Le doute s’installe. Dans l’urgence de celui qui sait que la mort est imminente, il envoie alors ses disciples vers Jésus pour lui poser la question qui le tourmente : « Es-tu vraiment le Messie que nous attendons, ou devons-nous espérer un autre ? » (Cf. Mt 11, 3). Pour un prisonnier qui marche vers la mort, cette interrogation n’est pas une simple curiosité, mais une question vitale, une ultime quête de lumière.

Dans l’ombre de sa prison, Jean le Baptiste s’interroge : « Si Jésus est vraiment le Messie, pourquoi ne vient-il pas me délivrer ? » Et sa plainte rejoint la nôtre : « Seigneur, pourquoi m’as-tu abandonné dans ma détresse ? »

Cette plainte n’est pas étrangère à nos vies. Elle résonne chaque fois que nous nous sentons emprisonnés dans nos propres prisons intérieures : lorsque nous ne savons plus comment avancer, lorsque nous avons l’impression que Jésus reste silencieux, lorsque la déception nous blesse à travers nos proches, notre famille, nos amis ou notre communauté. Elle se fait également entendre lorsque nous découvrons notre propre fragilité et notre impuissance face au mal qui nous entoure, et face à celui qui habite en nous.

Nous découvrons en effet dans la Bible que même les grandes figures spirituelles, comme Jean le Baptiste, ont connu des périodes de doute. Cela nous rappelle que nous avons également le droit de nous interroger, de nous plaindre, de pleurer ou même d’exprimer notre colère.

Chacun de nous a besoin d’un « Mur des Lamentations », un lieu où déposer ses fardeaux.

Le Mur des Lamentations, situé dans la vieille ville de Jérusalem et construit par Hérode le Grand, est devenu, au fil des siècles, un symbole universel de prière et de confiance. Juifs et non-juifs s’y rendent pour se recueillir, glisser dans les interstices des pierres leurs vœux, leurs prières, leurs inquiétudes et leurs espoirs.

Je me souviens particulièrement de l’image du Pape Jean-Paul II, en l’an 2000, déposant lui aussi une prière dans une fissure du mur. Cette scène est restée gravée dans ma mémoire. Elle me revient souvent à l’esprit dans les moments difficiles, comme une source de courage et d’espérance.

Ainsi, nous pouvons nous présenter devant Dieu tels que nous sommes, avec nos préoccupations, nos doutes et nos blessures. Rien n’est trop petit ni trop grand pour lui. Et lors de cette rencontre, nous trouvons la force de continuer et l’espérance d’un avenir renouvelé.

Dans les heures sombres, le prophète Isaïe rappelle, dans la première lecture, une espérance qui ne s’éteint jamais (Isaïe 35, 1-6a.10). Après quarante années d’exil, le peuple juif s’apprête à retrouver la Terre promise en traversant le désert de Syrie. Ce désert qui refleurit devient alors le symbole puissant et ancien de l’espérance : la vie qui jaillit là où tout semblait voué à la mort. L’expérience de l’exil, avec son lot de nostalgie, se transforme alors en une joie immense : celle du retour en Israël, où la mémoire des souffrances se mêle à la promesse d’un avenir renouvelé.


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Jérusalem, mur des lamentations ©Chuckloyola, CC BY-SA 3.0,via Wikimedia Commons

Revenons à l’Évangile et à la question de l’identité véritable de Jésus. Aux disciples de Jean le Baptiste, Jésus ne dit pas simplement : « Oui, je suis le Messie ». Il les invite plutôt à regarder ses œuvres, à écouter ce qui se vit autour de lui : les aveugles voient, les boiteux marchent, les lépreux sont guéris, les sourds entendent, les morts reviennent à la vie et les pauvres accueillent la Bonne Nouvelle (Cf. Mt 11, 4-5).

Par ces signes, Jésus révèle la miséricorde de Dieu en action.

Il ne se définit pas par des titres, mais par des gestes qui redonnent joie et espérance, surtout à ceux qui doutent, qui cherchent, ou que le monde oublie. Sa réponse devient un chemin, une orientation pour nous, pour toi et pour moi, aujourd’hui : accueillir l’Avent comme un temps où nous aussi, par nos paroles et nos actes, nous pouvons refléter cette lumière qui relève, console et ouvre un avenir.

Le troisième dimanche de l’Avent est appelé : « Gaudete », qui signifie « Soyez dans la joie » (Ph 4, 4). C’est le dimanche de la joie, une joie qui ne peut rester enfermée dans le cœur. La Bienheureuse Marie, habitée par cette allégresse, se met en route vers sa parente Élisabeth pour partager la bonne nouvelle : la naissance imminente de son Fils. Dans cet élan, elle élève sa voix et chante le Magnificat (Luc 1, 46-55), un cantique d’action de grâce. Car la joie véritable est contagieuse : elle se transmet, elle se multiplie, elle devient un chant d’action de grâce.

La question ultime que chacun de nous peut se poser est la suivante : Quand ai-je procuré de la joie à quelqu’un pour la dernière fois ?

Quand ai-je rendu quelqu’un heureux pour la dernière fois ?

Je me souviens d’octobre 2012, lorsque je suis allé rendre visite à ma mère Rustika, d’heureuse mémoire, au Congo. J’avais apporté quelques chapelets et des stylos à bille. Après l’Eucharistie, je les ai offerts aux enfants de chœur. Leurs visages se sont illuminés et une joie pure, née de ces simples cadeaux, a brillé dans leurs yeux.

Aujourd’hui, en cette période de l’Avent, je me demande comment continuer à semer cette joie autour de moi. Ce ne sont pas toujours les grands gestes qui touchent les cœurs, mais les petites attentions du quotidien : offrir des fleurs, dire un mot bienveillant, rendre visite à une personne hospitalisée, partager un sourire ou simplement dire merci.

Ces gestes modestes, mais sincères, ont le pouvoir de réchauffer les cœurs et de rappeler que le bonheur se cache souvent dans la simplicité.

Amen.

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© Lawrence Lew, OP