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Répertoire
Jean-Bertrand Madragule
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6ème Dimanche de Pâques

Les dernières paroles de quelqu’un ont toujours une signification particulière et une valeur durable pour celui qui les prononce comme pour celui qui les entend. Elles ont souvent un caractère testamentaire et peuvent influencer la vie.

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Crédit photo : Lawrence Lew, op

Vous avez certainement déjà entendu de telles paroles qui résonnent sans cesse dans vos oreilles. J’ai fait cette expérience en juillet 2024. Quelques jours avant sa mort, Mgr Julien Andavo, alors évêque du diocèse d’Isiro-Niangara en République démocratique du Congo, me disait : « Frère Madragule, n’oublie pas tes racines ». Ces paroles continuent de m’accompagner. Elles sont pour moi comme un rétroviseur. Ces paroles de Mgr Julien, qui ont un caractère testamentaire, résument bien un proverbe africain qui dit : « Lorsque tu ne sais pas où tu vas, regarde d’où tu viens. »

Le discours d’adieu de Jésus, que nous venons d’entendre dans l’Évangile selon saint Jean, revêt un caractère testamentaire.

Jésus l’a prononcé au Cénacle, avant d’accepter volontairement la souffrance et la mort sur la croix pour nous sauver. Il y résume pour ainsi dire encore une fois tout ce qui est important pour lui, afin que ses disciples puissent poursuivre son œuvre. Pour cela, il leur promet un soutien qui restera toujours avec eux : l’Esprit Saint (Jn 14, 26).

Jésus a eu des paroles réconfortantes lorsqu’il a préparé ses disciples à son départ. C’est l’Esprit Saint qui permettra de comprendre ces paroles et de les garder dans la mémoire des disciples et de l’Église (cf. Jn 14, 26). Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus dit : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole » (Jn 14, 23). La parole de Jésus qu’il faut absolument garder n’est autre que « le commandement d’amour » : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34). En effet, la Bible, la Parole de Dieu, est une lettre d’amour que Dieu nous adresse. Dans cette lettre d’amour, nous apprenons que Dieu s’intéresse à notre vie et nous invite à nous mettre au service les uns des autres. Jésus nous a lui-même donné un exemple très concret en lavant les pieds de ses disciples (cf. 13, 4-5).

L’amour est plus qu’un mot.

Un mot rempli d’amour peut nous rendre heureux toute la journée, voire nous accompagner toute la vie.

N’est-ce pas merveilleux lorsque quelqu’un nous dit : « Je pense à toi ! Je prie pour toi, pour tes soucis et tes préoccupations ! Je suis toujours là pour toi ! » Jésus lui-même n’a-t-il pas prononcé de nombreuses paroles inoubliables ? Ne nous a-t-il pas dit qu’il n’est pas venu pour juger le monde, mais pour le sauver (cf. Jn 12, 47) ? Et que « Tout ce que vous demanderez en mon nom, je le ferai » (Jn 14, 13) ? Jésus veut que nous puissions garder sa parole, c’est-à-dire la mettre en pratique et nous y conformer toute notre vie.

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Crédit photo : Lawrence Lew, op

« Garder la parole de Jésus » signifie également s’engager pour la paix dans nos cœurs, nos familles, nos cercles d’amis, nos communautés et dans le monde.

Combien de frères et sœurs, liés par le sang ou par la fraternité, n’arrivent-ils plus à se supporter ? Dans plusieurs familles ou communautés, on y trouve la division entre les enfants, voire entre les membres d’une même communauté. Les sources de cette division ou de ce conflit sont souvent d’ordre matériel ou proviennent d’abus de pouvoir. Jésus n’a-t-il pas dit à ses disciples aujourd’hui ? « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14, 27). Mais quelle est donc cette paix que Jésus offre à ses disciples et que le monde ne peut pas donner ?

Le problème de division de la communauté est également apparu à Antioche au début de l’Église naissante, vers l’an 50 après Jésus-Christ, comme nous l’avons entendu dans la première lecture du livre des Actes des Apôtres. Ce livre précise en effet que c’est à Antioche que les disciples de Jésus reçurent pour la première fois le nom de « chrétiens » (cf. Ac 11, 26). Quel était ce problème de division ? Comment ce problème a-t-il été résolu ? À l’époque, la question était de savoir si les nouveaux convertis du paganisme devaient continuer à respecter la loi juive, notamment le « rite de la circoncision ». Dans le judaïsme, la circoncision représente la marque de l’alliance avec Dieu et doit se faire le huitième jour après la naissance de l’enfant. Les nouveaux convertis devaient-ils participer à la même alliance qu’Israël sans passer par cette circoncision ?

Pour résoudre ce problème, Paul et Barnabé se rendirent à Jérusalem pour rencontrer les Apôtres et les autres fidèles (cf. Ac 15, 2). Ce qui attire mon attention dans ce qu’on appelle désormais le « Concile des Apôtres à Jérusalem », c’est la jolie formule « L’Esprit Saint et nous-mêmes avons décidé » (Ac 15, 28), et par extension « l’esprit d’un discernement communautaire ».

Après avoir prié et dialogué, les Apôtres, guidés par l’Esprit Saint, décidèrent qu’on ne devait pas imposer aux nouveaux convertis d’autres obligations que celles-ci : s’abstenir de manger des aliments offerts aux idoles, du sang ou de la viande non saignée, et s’abstenir des unions illégitimes (cf. Ac 15, 28-29). Cette décision claire et précise constituait une réponse appropriée dans le contexte historique de l’époque où la communauté chrétienne commençait à se démarquer du judaïsme. Cette décision, prise à l’unanimité par les Apôtres, a été acceptée par la communauté et a amené la paix.

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Crédit photo : Lawrence Lew, op

Ce récit du Concile de Jérusalem nous invite non seulement à suivre, nous aussi le chemin du discernement avant de prendre une décision, mais aussi à vivre dans la paix au sein de nos familles, de nos communautés et dans le monde. En effet, l’Esprit Saint habite dans le cœur de chacun ! Sainte Thérèse d’Avila attachait une importance particulière au discernement spirituel. Elle estimait qu’un confesseur sage était préférable à un confesseur simplement saint, car la sagesse permettait un accompagnement plus éclairé et adapté aux âmes en quête de perfection.

Le mot « paix » est d’ailleurs important dans le discours du nouveau Pape Léon XIV.

L’un des moments forts pour moi a été le jour de son élection, le 8 mai 2025, lorsqu’il est apparu au balcon de la basilique Saint-Pierre et a prononcé ces premiers mots : « Que la paix soit avec vous tous, très chers frères et sœurs. » Le Pape précise que c’est « la première salutation du Christ ressuscité, le bon pasteur qui a ouvert la voie au troupeau de Dieu. Je voudrais moi aussi que ce salut de paix entre dans nos cœurs. »

Rassemblons-nous, à l’image des Apôtres, pour résoudre nos questions et nos divisions, dans la force de l’Esprit Saint qui habite en nos cœurs, et que celui-ci nous guide sur le chemin de la paix et du discernement. Prions également la Bienheureuse Marie, Mère de Dieu, qui a gardé la Parole de Dieu dans son cœur (cf. Lc 2, 19), de bien vouloir nous aider à vivre l’amour et à être à la fois porteurs et témoins de la paix dans le monde. Amen.