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Philippe Henne
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Toussaint

Fête de tous les saints

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Béatitudes, église Saint-Paul de Rabat (Malte) - © Lawrence Lew OP

L’Évangile d’aujourd’hui commence par une bien curieuse béatitude : « Bienheureux les pauvres en esprit ».

L’expression paraît malheureuse : quand on dit de quelqu’un qu’il est « pauvre en esprit », cela veut dire qu’il a un léger handicap mental ou intellectuel. Il est difficile de croire que le Seigneur nous invite à renoncer au plein usage de nos facultés intellectuelles et mentales pour pouvoir arriver au ciel.

Non, cette expression veut éviter de se concentrer sur ceux qui sont économiquement pauvres. En aucune façon, dans le Bible, le Seigneur n’a encouragé l’exploitation des plus petits et des plus pauvres. Bien au contraire, les prophètes ont vivement critiqué les riches et les nantis pour leur égoïsme. Le prophète Amos n’avait pas hésité : il avait insulté les riches bourgeoises de Samarie en les traitant de « vaches de Basan ». Le Christ lui-même sévèrement condamné l’indifférence de l’homme riche qui faisait sans cesse des festins avec ses amis alors que le pauvre Lazare gisait devant sa porte, couvert d’ulcères.

Non, la pauvreté matérielle n’est pas une bénédiction. Elle est un fléau que tous les grands saints, comme Mère Teresa et Soeur Emmanuelle, ont voulu combattre. Les bienheureux dont Jésus parle aujourd’hui,

ce sont ceux qui se reconnaissent comme pauvres en leur coeur, c’est-à-dire à jamais insatisfaits par le manque d’amour qu’ils ressentent au plus profond d’eux-mêmes.

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© iStock-AVM

Mais cela ne doit pas nous conduire à un repli sur nous-mêmes ou sur une lamentation sur notre pauvre sort. Ce n’est pas cela que Zachée a fait. Il se sentait rejeté par la communauté juive de son époque. Et il l’était pour de bonnes raisons : c’était un collaborateur qui travaillait pour l’occupant romain. Ce qu’il a fait, ce fut de monter sur un arbre pour pouvoir voir Jésus qui passait à Jéricho. Il avait faim d’amour. Il était à la recherche de quelqu’un qui l’accepterait tel qu’il était.

L’Évangile nous dit ainsi que bienheureux sont ceux qui ont le courage et l’honnêteté de reconnaître que leur vie serait bien vide s’ils ne connaissaient pas Dieu, si le Christ ne venait pas chez eux. Ils sont tout à l’inverse du pharisien qui, dans le Temple, se vantait de ne pas être comme les autres, voleurs, adultères et assassins. On peut certes se réjouir du succès de certaines de nos entreprises, mais il faut avoir l’honnêteté de reconnaître que nous avons réussi parce que nous avons mis à profit les qualités que Dieu nous a données. Jamais Mère Teresa, ni le Père Damien ne se sont considérés comme de grandes vedettes. Ils se sont bien plutôt considérés comme les serviteurs d’un grand maître qui leur avait donné toute sa vie.

C’est peut-être là le génie d’un pauvre en esprit, être capable de découvrir tout ce qu’il doit à Dieu et de pouvoir lui dire merci,

de pouvoir faire comme la Vierge Marie, méditer toute sa vie dans son coeur et y voir la présence du Bien-Aimé à chaque instant. Oui, c’est là peut-être que se trouve la source du bonheur.

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