A l'instar de Marie, Mère de Dieu, nous sommes priés à notre tour de devenir des « cardiosophes ». La cardiosophie, terme emprunté au philosophe Cioran, est ce cheminement intérieur qui consiste à inscrire la connaissance dans l'Amour ou pour le dire autrement, il s'agit de la sagesse du coeur qui combine QI, QE et QS. Reprenons l'exemple de Marie qui est sans doute la première cardiosophe depuis la nuit des temps. « Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son coeur », nous dit l'évangéliste Luc. Face aux événements que nous traversons ou encore dont nous sommes parfois les témoins, nous sommes invités à utiliser notre raison pour comprendre ce qu'il nous arrive et surtout pour chercher à y donner sens. Comment pouvons-nous grandir à partir de certaines expériences même si celles-ci sont pénibles voire douloureuses pour le corps et pour l'esprit ? Nous utilisons notre intelligence rationnelle pour ne pas nous laisser dépasser par ce fléau contemporain de l'audimat qui est de chercher toujours plus d'émotionnel. Inscrire les événements dans l'émotionnel pur, c'est tomber dans le piège de l'éphémère et du sensationnel. C'est peut-être aussi insulter notre propre esprit et sa capacité réflexive. La première étape de la cardiosophie est donc de chercher à donner sens en utilisant notre raison. Mais comme le démontre Marie, le travail de mémoire ne peut suffire. Il y a lieu de passer à une étape suivante, celle d'utiliser cette fois notre intelligence émotionnelle, c'est-à-dire d'inscrire tout événement dans les sentiments qui nous font grandir. Notre intelligence émotionnelle est là pour mettre dans nos vies une dose de douceur, une pointe de tendresse, une pincée de bienveillance, une mesure d'affection véritable. Utiliser notre intelligence émotionnelle nous incite ainsi à ne pas tomber dans ce sensationnalisme primaire et à être submergés par nos émotions. Ici, c'est tout le contraire. Notre intelligence émotionnelle va nous permettre de remettre de l'humanité au c½ur d'un événement. Il s'agit de tout ce travail de méditation qui va conduire à un changement intérieur en profondeur. Telle est la deuxième étape de la cardiosophie. Nous sommes cette fois guidés par des sentiments nobles tels que la compassion, l'attention toute particulière à l'autre. Ces attitudes permettent parfois de traverser autrement l'expérience de l'injustice de la souffrance. Nous ne sommes plus seuls. Certains parmi nous ont choisi de nous accompagner, de nous porter dans ce que nous vivons de difficile. Les cardiosophes sont à nous côtés, ils nous entourent et nous soutiennent. Puis vient la troisième et dernière étape de la cardiosophie : vivre ce que nous avons à vivre dans notre c½ur, c'est-à-dire atteindre cette sagesse du coeur en inscrivant l'événement dans l'Amour par excellence. Nous cherchons cette fois à lui donner une dimension spirituelle. Nous prenons conscience que le sens même de nos vies prend sa source et se réalise en cet enfant Dieu qui est venu de Dieu et qui est tout de Dieu. Et tout cardiosophe sait pertinemment bien que notre Dieu a mis sa crèche dans notre coeur. C'est là et là seulement, qu'il se révèle à nous. En ce début de l'année, à notre tour, laissons la cardiosophie envahir notre être et nous pourrons de la sorte « retenir tous ces événements et les méditer à jamais dans nos coeurs ».
Amen.